Pour choisir une techno ou un fournisseur, rien de tel que de se fier à des témoignages d’autres DSI qui ont déjà sélectionné les mêmes prestataires et mis en œuvre les technologies qui vous séduisent, nous explique-t-on. J’ai répondu favorablement à la sollicitation de l’un de mes fournisseurs, un éditeur de logiciels qui me casse les pieds depuis des mois pour que je l’autorise à publier, dans l’un de ses communiqués de presse, mon avis sur son produit. Pourquoi pas…
Après tout, sa solution, que l’on a installée l’an dernier à la direction des ressources humaines pour faciliter le reporting, n’a rien de révolutionnaire mais elle a le mérite de fonctionner correctement, de ne pas coûter trop cher en frais de maintenance et ne pas être atteinte de la maladie congénitale de la version folle, équivalent de la vache folle dans le monde animal. Celle-ci se manifeste par des tremblements intempestifs du logiciel (une série de bogues et de dégradations de performances) qui oblige à administrer un remède de cheval : une nouvelle version, dite stabilisée, selon ses concepteurs, qui, une fois qu’ils nous l’ont vendue, et pas pour des cacahuètes, s’empressent d’en développer une nouvelle pour faire face à la prochaine épidémie de tremblements.
Une charmante représentante de la direction marketing communication est donc venue me rendre visite pour me cuisiner sur mon retour d’expérience. Je lui explique alors que nous sommes plutôt satisfaits, que les quelques bogues d’origine ne sont plus que de l’histoire ancienne, que les utilisateurs ne peuvent plus se passer de leur application qui leur facilite la vie en évitant de remplir des quantités de formulaires. Bref, rien que du très banal. La toujours charmante égérie de la dircom de mon fournisseur est repartie, moins de quinze minutes plus tard, avec ses notes, non sans me remercier chaleureusement pour ma « collaboration efficace à valeur ajoutée pour notre jeune société leader sur son marché ». C’est à ce moment-là que j’aurais dû me méfier.
– T’avais fumé quoi ?
La question de mon directeur marketing, Xavier-Martin Laville, alias XML, m’a surpris. Je n’ai pas compris sur le moment à quoi il faisait allusion.
Alors, il m’explique. Et me met sous le nez un superbe communiqué de presse dans lequel je suis cité. Je le parcours et, en réalité, le découvre. Cela faisait plusieurs semaines que je n’avais pas eu de nouvelles de mon fournisseur. A vrai dire, je n’avais pas prêté attention à ce dossier, vite enterré sous le poids de mes responsabilités quotidiennes. Et la rencontre avec la représentante de mon éditeur de logiciels ne m’avait pas laissé d’impérissables souvenirs, si ce n’est le décolleté plongeant de la damoiselle dont la profondeur faisait penser à celle du déficit financier du dernier projet système d’information.
– Tu lui as dit tout ça ?
– Plus ou moins, mais je ne pensais pas qu’ils me transformeraient en homme-sandwich !
– Et sans te faire valider tes propos ! Tu es bien naïf ! complète XML, comme si j’avais commis un sacrilège suprême en n’appliquant pas le principe de base de la communication.
C’est vrai que la citation qui m’était attribuée ressemblait à … en fait, ne ressemblait à rien. Décrivant la solution que nous avions mise en œuvre, j’affirmais : « Le logiciel Humane Risoursiz, édité par un vrai leader sur son marché, est le meilleur de sa catégorie, et de loin. Nous n’avons pas hésité à l’acheter tant ses fonctionnalités sont modernes et vraiment fonctionnelles, car il répond parfaitement aux besoins de nos utilisateurs, qui sont vraiment très contents. En outre, nous avons beaucoup apprécié la réelle réactivité extraordinaire des équipes de Saynou & Lesmayeur Inc. »
– La prochaine fois, un conseil : te laisse pas embarquer dans cette galère. T’imagines maintenant la tête de tes collègues ?
Il est vrai que lors de la dernière réunion au club CUCU (Club des Utilisateurs pour un Computing Unifié), mes chers collègues se sont daubés sur ma daube… Je ne sais pas qui leur avait transmis le communiqué en question. Sûrement une bonne âme qui tient à rester anonyme.
Image par Szilárd Szabó de Pixabay