DSI millésimé

Je me suis livré au calcul suivant : sachant qu’un DSI âgé de 50 à 60 ans a accumulé entre vingt et trente ans d’expérience(s), combien cette expérience cumulée représente-t-elle d’années- hommes, pour parler le langage des gestionnaires de projets ?

Et sachant que la plupart des DSI de ces générations x s’approchent de l’heure de la retraite, combien d’années d’expérience allons-nous perdre dans les prochaines années ? Imaginez le nombre de projets ratés et rattrapés de justesse et dont les enseignements ont été tirés, de bonnes pratiques engrangées par nos DSI seniors (dont je ne fais pas encore partie, vous n’avez donc pas fini de me lire…), de « facteurs clés de succès » assimilés, qui vont disparaître et que les jeunes générations vont devoir réinventer. Combat d’arrière-garde de la part d’un DSI qui a son avenir derrière lui ? Non, car l’enjeu me semble crucial : il s’agit, ni plus ni moins, que de transformer la connaissance individuelle en intelligence collective. C’est mal parti… J’ai conscience qu’une telle tâche relève de la mission impossible. Je n’irai pas jusqu’à suggérer la création d’une maison de retraite pour DSI, sponsorisée par Microsoft, IBM ou Oracle et destinée à la sauvegarde du patrimoine intellectuel (ou ce qui l’en reste pour certains). Ni celle d’une fondation pour la préservation des best practices menacées, à l’image des monuments historiques ou des espèces en voie de disparition. Mais, à l’image des grands crus, pourquoi ne pas au moins créer un millésime pour les DSI ? Ne serait-ce que pour reconnaître notre niveau d’expérience et de maturité. Nos directions générales et DRH auraient un point supplémentaire de comparaison, en plus de nos CV dont beaucoup sont soit bidonnés (Allez, cherchez bien, n’avez-vous jamais enjolivé tel aspect et laissé de côté tel autre dans votre CV ?), soit inutilisables parce que l’on ne peut s’empêcher de les farcir de sigles qui ne signifient rien pour les recruteurs.

On concèdera que les millésimes des années 1960, surtout les « AOC mainframes propriétaires », ont un peu de dépôt et un goût de bouchon plus ou moins prononcé selon les technologies mises en œuvre ; que les millésimes des années 1970 et 1980 ont largement atteint leur niveau de maturité et que ceux des années 1990 sont à conserver au frais encore quelques années. Quant aux millésimes des années 2000, on concèdera surtout qu’il ne faut pas les déboucher avant une bonne décennie. Et pour les DSI « AOC Web 2.0 », ils sont encore trop pétillants pour les mettre sur toutes les tables… Pour ma part, je me considère comme un « DSI Grand cru ». La preuve ? A chaque fois que j’affirme quelque chose aux membres du comité de direction, ils me croient…