Le vénérable Institut national de la statistique (Insee) a publié une étude très intéressante sur la « victimation », publiée dans la très sérieuse revue Économie & Statistique. Vous ne savez pas ce que c’est, la victimation ?
En gros, au-delà des traditionnelles statistiques de la police et de la gendarmerie, il s’agit d’interroger les individus sur les violences dont ils ont été victimes. Et comme beaucoup n’entrent pas dans les statistiques officielles parce qu’aucune plainte n’est déposée, cela donne une meilleure image de l’insécurité.
Bon, l’insécurité, je suppose que vous savez ce que c’est ? C’est, pour résumer, ce que l’on vit au quotidien. Je vous le précise tout de suite avant que vous ne me posiez la question : non, il n’existe pas d’enquête de victimation pour les DSI. Soit parce que cela n’intéresse pas les chercheurs et les statisticiens, soit parce que les DSI n’avoueront jamais faire l’objet de mauvais traitements. Et pourtant, nous en avons, des motifs de nous plaindre ! Que nous dit l’étude de l’Insee ? Qu’il y a des formes de violence plus fréquentes que d’autres. En tête de liste : les gestes déplacés (8,1% des personnes interrogées par l’Insee en auraient été victimes au cours des douze mois précédant l’enquête). Viennent en deuxième position : les menaces et les injures (en même temps), avec 6,9 %. Puis arrivent dans le classement : les menaces (sans les injures, il y encore des gentlemen…), le vol sans violence, l’exhibitionnisme et les coups entre conjoints…
Finalement, toutes ces agressions, nous les subissons au quotidien. Les gestes déplacés ? Vous n’imaginez pas jusqu’où les utilisateurs sont capables d’aller : depuis le jet à plus de deux mètres d’un lourd cahier des charges lorsqu’on leur suggère que peut-être il faudrait que les besoins soient exprimés plus clairement jusqu’au bras d’honneur qui surgit lorsque mes équipes demandent gentiment à ce que la maîtrise d’ouvrage soit un peu plus présente lors des comités de pilotage. Les menaces ? Là encore, c’est notre lot quotidien, entre le classique « je vais te sucrer une partie de ton budget », le non moins traditionnel « si tu ne me livres pas l’application en moins d’un mois, j’vais l’dire au DG », ou encore le récurrent « si tu continues à emmerder mes collaborateurs avec ta politique de sécurité à la con, ta carrière est foutue, je m’en occuperai personnellement, j’connais du monde ».
Les injures ? Bon, ça, tout le monde est logé à la même enseigne. Dans les toilettes du deuxième étage, une âme charitable à écrit au feutre indélébile « DSI, tête de con », avec la variante, dans l’ascenseur « DSI au pilori ! ». Les injures peuvent fuser lors des réunions, depuis le « vous n’êtes que des gros nuls » jusqu’à l’« espèce de connard » en passant par les « salopards », « empaffés », « faux cul », « crétins », « racailles », « pétasses ». Ou encore : « De toute façon, à la DSI, vous n’êtes que des sales feignasses parasites payées à ne rien faire alors que c’est nous qui faisons tourner la boutique… »
Le vol sans violence concerne tous les matériels qui ont une quelconque utilité. Par exemple, on surconsomme 146,87654 % de toner d’imprimantes par rapport au nombre de pages que l’on imprime. Les PC qui disparaissent, officiellement détruits ou volés dans les transports, sont, eux aussi, très nombreux. On m’a même volé dans mon bureau trois câbles Ethernet, cinq tapis de souris (avec les souris qui vont avec..), mes goodies offerts par les fournisseurs (bon, là, ça m’arrange, la plupart de ces gadgets sont horribles…). Et même ma collection de tous les numéros de Best Practices ! C’est dire si certains sont vraiment tordus…
En ce qui concerne l’exhibitionnisme, j’avoue que c’est plutôt rare. Je n’ai connu qu’un seul cas, celui d’un manager, qui s’est déculotté en criant « et celle-là, tu l’as vue ! » après que je lui avais rétorqué qu’il « me demandait la Lune avec ses exigences démesurées ». On sait que dans la plupart des cas, la victime connaît son agresseur. J’ai les noms…