Il ne faut pas que je l’avoue : recevoir les multiples documentations de nos chers fournisseurs n’est pas pour me déplaire. Cela me sert d’abord au quotidien. Par exemple, lorsque je reçois un commercial à chaussures pointues de tel éditeur venu me vanter les beautés intérieures de sa solution, je place la documentation de son concurrent bien en évidence sur mon bureau…
Statistiquement, dans un cas sur deux, mon visiteur est prêt à m’octroyer une remise avant que je ne lui demande et lui fasse mon couplet bien rôdé sur la difficulté de dégager des budgets pour acheter sa quincaillerie.
Cela me sert également de distraction. J’ai ainsi reçu, pour compléter ma collection, un livre blanc produit par Dell et Intel (ils s’y sont mis à deux…) avec, dedans, quelques perles que je ne résiste pas à l’envie de vous faire partager. Je vous précise que ce document a été adapté en version française probablement par un logiciel qui, il faut bien le dire, ne comprend pas trop les nuances. Déjà avec le titre : « Efficacité du Centre des données pendant l’Aire virtuelle : Trois étapes clé ». Je me suis demandé ce que pouvait être une « aire virtuelle » avant de trouver la réponse : il s’agit d’une « ère », pas d’une « aire ». Moi qui m’apprêtais à demander à quelques amis ingénieurs matheux comment on peut calculer la surface d’une « Aire virtuelle », j’ai échappé belle à la remarque acerbe : « T’as d’autres questions à la con comme ça ? »
Avec une page de titre qui annonce la couleur, je me suis précipité dans la lecture de ce livre blanc (en réalité il y trois volumes, il faut bien ça pour expliquer les bienfaits de la virtualisation…). Outre les inévitables fautes d’orthographe (conservées dans les citations qui suivent) et la mise en page approximative, on y trouve des belles phrases dont on a du mal à comprendre le sens. Par exemple : « Les entreprises ont besoin de larguer les processus inefficaces au sein de leur organisation. » Je suis d’accord, mais, à part être dans les nuages, c’est difficile de les larguer (ou alors pour ceux qui sont amoureux de leurs processus, mais faut avoir du courage !). Et comme on se débarrasse de tout : « Dans le passé, il était courant pour les administrateurs de jeter les gens et les ressources aux problèmes qui se présentaient. ». Bon là, je ne vois pas : « Jeter les gens aux problèmes qui se présentaient » ? Ça à l’air d’être violent comme ambiance…
Heureusement, la problématique est cautionnée par l’analyste de services. En l’occurrence Alan Zeichnick, analyste principal chez Camden Associates, qui nous dit : « Quand vous fonctionnez dans un environnement virtualisé, aussi longtemps que vous pouvez faire tourner le système virtuel, vous n’avez pas de souci. » Là aussi, je suis d’accord. Comme dirait mon garagiste : « Tant que ça marche, ça marche, et inversement ». L’analyste ne craint pas d’ajouter, sans doute pour préciser sa pensée : « En termes de serveurs… si vous êtes fidèle au même matériel, il est plus facile d’attribuer si vous savez que tous vos serveurs sont à peu près les mêmes. » Effectivement, ça doit être plus facile, même dans l’à peu près !
Le livre blanc commence pourtant par une belle histoire : « Les cadres administratifs, les clients, les contrôleurs et les investisseurs sont devenus de plus en plus demandant. Et ensuite, le tourbillon économique a tout chamboulé. » C’est vraiment pas de bol ! Surtout que le constat est sans appel : « Procurer à une entreprise une amélioration de ses opérations est coûteux é hautement inefficace. » C’est la peine de se décarcasser…. Mais que doit donc faire une entreprise intelligente ? « Au lieu d’un procédé de destruction et remplacement immédiat, elle choisira une stratégie d’expansion et d’inclusion, incorporant des pièces d’infrastructure jusqu’à ce que tous les éléments s’assemblent sous l’ombrelle de la virtualisation. Pour la plupart des entreprises, cela signifie des processus de normalisation incrémentiels et circulaires de certaines parties des infrastructures, soit virtualiser cette partie, pour ensuite utiliser les ressources libérées afin de répéter ce procédé dans une autre partie de l’infrastructure. » Vous suivez ? Je vais demander à mes ingénieurs ce qu’est une normalisation circulaire, ça va sûrement les scier…
Mais la tâche est difficile. D’abord parce que « la normalisation n’est d’aucune aide s’il n’y a pas de norme vers laquelle se diriger ». Pas bête comme réflexion, tout comme un DSI ne sert à rien sans SI… En plus : « Aucun spécialiste ne veut se convertir en un praticien des aptitudes de commodités. » On se disait aussi, ça doit pas être facile et c’est pas forcément un métier d’avenir à proposer à nos enfants. D’autant que, nous affirment les experts de Dell et Intel : « La planification de la rationalisation et de la consolidation informatique implique de traverser des limites organisationnelles dans les silos techniques et commerciaux. » Si possible sans se faire mal parce que les limites dans les silos, c’est ce qu’il y a de plus difficile à percer. Heureusement, on peut faire simple, malgré les apparences : « La simplification doit aller au-delà de la technologie, ce parce que l’entreprise, comme un tout, est le vecteur directeur de l’informatique. » Sans blague !
Heureusement que le document est signé : « Intel, le chef de file mondial dans le domaine des innovations en silicone, qui développement continuellement de nouvelles technologies, produits et initiatives pour améliorer la manière dont les gens vivent et travaillent. » Mince, je n’avais pas vu Intel spécialiste de la chirurgie esthétique. On en apprend tous les jours…
PS : si vous voulez ces livres blancs, écrivez-moi, c’est cadeau ! olivier.sehiaud@gmail.com