Je ne sais pas pour vous mais, en ce qui me concerne, j’ai encore quelques années à attendre avant de prendre une retraite bien méritée. Comme il n’est pas question de changer de métier, à moins que mon boss ne me vire pour mauvais esprit, je dois faire avec.
On peut toujours se rassurer et se dire que ces innovations vont rester dans le domaine de la vie quotidienne et ne viendront jamais perturber nos activités, nos missions et, en quelque sorte, notre relative tranquillité. Que nenni ! L’histoire nous a démontré le contraire : les innovations diffusées dans le grand public sont récupérées par les DSI, qui doivent les gérer. Selon le principe bien connu, popularisé en politique par Jacques Chirac : « Les emmerdements, ça vole toujours en escadrille. »
On n’avait pas assez de la transformation digitale, on va devoir gérer les machins artificiels, les trucs quantiques et les bidules euclidiens. J’imagine déjà les réunions du comité de direction, au cours desquelles on va expliquer que nous sommes en rupture de stock pour les crypto-ancres (avec un « a »), que l’on a encore des doutes sur l’intelligence impartiale, parce qu’un développeur trop bourré après un pot de départ a voulu faire le malin avec un bout de code qui lui a échappé des mains, que le serveur informatique quantique a trop chauffé et a mis à genoux la chaîne logistique, ou que la cryptographie euclidienne dans le cloud, c’est pas toujours utile et que ça coûte une blinde.
Pire, nous prévoient les experts d’IBM : « L’informatique quantique quittera le terrain de jeu des chercheurs pour être accessible au grand public. » Déjà que l’on a du mal à contrôler le Shadow IT avec de simples smartphones, on n’a pas fini d’en baver quantiquement. On imagine aussi que les Millénials (qui auront envahi nos organisations et nos DSI dans moins de cinq ans) nous demanderont où ils peuvent poser leur mini-serveur quantique et comment le raccorder à notre ERP, que l’on aura conservé, juste pour pouvoir faire joujou avec les bases de données et le Big Data…
Pour les experts d’IBM, « les concepts et le vocabulaire associés à l’informatique quantique ne seront plus vagues ou incompris, mais feront plutôt partie du vocabulaire courant. Les conversations autour de l’informatique quantique seront normales. Tout le monde saura ce qu’est un qubit, ou sera familiarisé avec l’idée. » Voilà de quoi transformer radicalement les conversations devant la machine à café ou à la cantine : le « vin en qubit » va avoir un succès fou pour les pots de départ…
Quant à l’intelligence artificielle impartiale, elle a pour objectif de corriger les biais dans les données ou dans les algorithmes (ou dans les deux, si on n’a pas de chance…), qui vont se multiplier. En particulier, l’IA impartiale sera utile pour corriger la discrimination, le manque d’éthique et les préjugés. On voit bien que ce sont des américains qui ont ce genre de préoccupations…
Nous, ce dont on aurait plutôt besoin, ça serait d’une intelligence artificielle anti-connerie. Elle serait nécessairement partiale, remplie de préjugés et excessivement raciste à l’égard des cons et autres mal-comprenants qui hantent nos entreprises. Elle permettrait de nous tenir à l’écart de ces catégories de managers, de dirigeants, de collègues et de fournisseurs, qui ont largement dépassé leur quota de connerie « embedded », comme diraient les américains, et dont le cerveau est en voie de dépérissement sans qu’une greffe d’intelligence quantique puisse y faire quoi que ce soit. Et qui, surtout, nous cassent les pieds pour des sujets futiles : la voilà la véritable révolution technologique qui transformera notre vie quotidienne ! Au lieu de Watson, nous aurions Watcon : un petit pas pour l’orthographe, mais un grand pas pour l’humanité !