L’un de mes fournisseurs favoris est venu me rendre visite, non pas pour me vendre une nouvelle version de son produit, soutirer ma signature au bas d’un avenant contractuel, ou m’amadouer avec un cadeau avant d’augmenter le tarif de la maintenance (ma collection de tapis de souris dépasse les deux mètres et j’ai au moins trois kilos de clés USB dans mon tiroir). Il vient au contraire pour m’annoncer une bonne nouvelle : « Nous sommes en haut à droite du carré magique de ForresGartData ». Bigre !
– Et vous avez payé combien pour ça ?
Ma question n’a pas eu l’air de lui plaire. Sacrilège ! Oser insinuer qu’une relation commerciale entre un éditeur de logiciels et un cabinet d’études, qui serait banale, puisse influencer un classement qui fait autorité sur le marché ! Pourtant, on en a vu défiler des carrés magiques dans lesquels, tour à tour, chaque fournisseur se retrouve en haut à droite. A la place de ForresGartData, je ferais payer cher une place tant convoitée. Ils n’ont sûrement pas autant le sens du business que les hypermarchés qui font payer les têtes de gondoles. Et des fournisseurs « dernier étage en haut à droite » dans le HLM des études de marché qui sont redescendus au sous-sol, nous en avons vu défiler…
– C’est le complétude notre vision stratégique qui est récompensée, grâce à nos efforts de recherche et développement et l’adaptation de nos offres aux besoins de nos clients.
– Complétude ? Je n’ai jamais entendu ce mot.
– C’est simple, m’explique-t-il. Cela signifie que notre vision est achevée. Donc nos offres sont les plus avancées par rapport à nos concurrents.
Je m’imagine en train de parler de la « complétude de notre système d’information » lors du prochain comité de direction. Du coup, c’est moi qu’ils achèveraient !
– Dites-moi, mon cher, vous m’êtes sympathique, mais ne vous ficheriez-vous pas un peu, voire carrément, de nous ?
– Heu, non, pas exactement…
Silence gêné de part et d’autre. Puis, il avoue : « Je n’y peux rien, mon directeur des ventes nous a obligé à faire le tour de tous nos grands clients pour propager la bonne parole. » Nous avons fini à la cafétaria où il m’a raconté ses malheurs de commercial en temps de crise… Quel métier ! Allez… Je rempile comme DSI !