Nous n’avons pas le G20. Au comité de direction, nous ne sommes que dix, c’est déjà beaucoup. J’aurais aimé pourtant que cette docte assemblée s’intéresse à un problème que nous, DSI, avons à gérer mais pour lequel nous ne sommes pas aidés, ni soutenus. C’est même le contraire. Je veux parler des paradis fIScaux. A l’image des vais paradis fiscaux, ce sont des places qui ne sont pas encore offshore (ça serait plus simple d’en délocaliser certains sous les tropiques, histoire si ils seraient si imaginatifs…), mais qui ont leur propre autonomie, tout en affirmant qu’ils se conforment à la pratique générale. Ce sont des places qui brassent des millions (de lignes de codes, pas de dollars).
Ces paradis fiscaux, nous en connaissons tous. Telle direction marketing lance un projet qu’elle autofinance, avec des prestataires non référencés par la direction des achats, pour des besoins qu’elle seule comprend, projet pour lequel elle n’a de compte à rendre à personne. Telle direction financière acquiert un progiciel de reporting à des prix imbattables mais pour lequel les équipes de la DSI doivent ramer pour en intégrer le paramétrage…
Le problème avec les paradis fIScaux est similaire à celui des paradis fiscaux : dès lors que ces derniers s’insèrent dans le système monétaire mondial, ça coince et crée des crises dont on paie encore les conséquences. C’est pareil avec les paradis fIScaux : dès qu’on intègre une application dont on a pas contrôlé l’implémentation, cela crée des désagréments, pour être poli, faite par des gens peu respectueux du rôle de la DSI, toujours pour être poli, qui nous irritent fortement, encore pour être poli. Et l’opacité nous empêche d’en savoir plus. Comme dans les paradis fiscaux, nous sommes bien reçus, mais rapidement éconduits. Et lorsque l’on demande à nos directions métiers si, par le plus grands des hasards, mais c’est pas pour leur être désagréable, elles n’auraient pas, à l’insu de leur plein gré bien sûr, initié des projets informatiques dont nous n’aurions pas connaissance, par négligence ou manque de temps, bien évidemment, les réponses sont évasives, quand ce ne sont pas des démentis formels et méprisants qui nous sont exprimés…
Le problème est que la lutte contre les paradis fiscaux est souvent vaine. Depuis combien de temps les grands pays affirment-ils qu’ils faut lutter contre ces excroissances sulfureuses des marchés mondiaux ? Depuis des dizaines d’années. Qu’il faut récupérer les recettes fiscales indûment évaporées dans ces paradis ? Depuis longtemps. Et qu’est-ce qui a été fait ? Rien ou pas grand-chose, à part quelques conférences internationales. Corollaire : depuis combien de temps nos directions générales affirment-elles la prééminence des DSI dès lors qu’il s’agit d’intégrer les technologies de l’information dans les processus métiers ? Depuis des dizaines d’années. Que les budgets relatifs au système d’information (et pas seulement informatique) relèvent exclusivement de la DSI ? Depuis longtemps. Et qu’est-ce qui a été fait ? Rien ou pas grand chose. Et nous n’avons même pas eu les conférences internationales pour nous exprimer ! C’est bien connu, les DSI n’intéressent personne. Tout cela ne fonctionne que parce que tout le monde a intérêt à ce que le système perdure. Les banquiers et leurs clients pour les paradis fiscaux, les directions métiers et les utilisateurs pour les paradis fIScaux.
Question politique de lutte contre les paradis fiscaux, il existe trois méthodes : l’amnistie, la contrainte ou la déconnexion complète du système. Pourquoi ne pas appliquer les mêmes approches à nos paradis systèmes d’information ? J’imagine bien promettre l’amnistie pour toutes les directions métiers qui viendront nous révéler les applications qu’elles ont elles-mêmes géré sans nous en informer. J’imagine aussi la contrainte qui consisterait à obliger toutes les directions métiers à s’adresser aux équipes de la DSI dès lors que des projets intègrent des technologies de l’information. A ce compte là, nous récupérerions tous les projets métiers, sauf ceux qui reposent sur des fiches cartonnées avec des crayons et des bouts de papier en couleur !
J’imagine, enfin, une exclusion des mauvais joueurs, en leur signifiant que, puisqu’ils sont plus malins que les équipes de la DSI (cela peut être vrai, mais il ne faut surtout pas leur dire), ils peuvent toujours s’adresser à des prestataires externes, qui gèreront leur portefeuille de projets (en allégeant aussi leur portefeuille de budgets). A leurs risques et périls…