Avec nous le déluge !

Il paraît que l’Australie n’a jamais connu d’inondations aussi terribles que celles qui ont touché le pays il y a quelques semaines. ça, c’est dans les journaux… Il paraît que les DSI sont inondés de newsletters…

ça, ce n’est pas dans les journaux. Et pourtant, il semble que les digues informationnelles aient cédé ! J’ai compté : au cours de la semaine dernière, j’ai reçu dans ma boîte de messagerie pas moins de 47 newsletters, la moitié provenant de groupes de presse, l’autre moitié de la part d’éditeurs de logiciels et de cabinets de conseil. Et encore, je ne compte pas les invitations tous azimuts à des événements dont l’intérêt me laisse encore dubitatif. Et sur ces 47 newsletters, j’ai trouvé seulement trois articles intéressants, les autres sujets étant reproduits à plusieurs exemplaires dans diverses newsletters, avec des titres quelquefois différents mais pas toujours, cela dépend du courage de celui qui écrit pour se rendre original. Mais pour parcourir les titres de ces 47 newsletters (qui rivalisent dans la quantité, c’est à celui qui bourrera la page avec le plus de titres et de liens possibles), à raison de quatre à cinq minutes chacune, il me faut plus de trois heures… Voire plus lorsque l’on nous refourgue les mêmes sujets habilement « repackagés » dans une newsletter « thématique » (le cloud et le green sont à la mode cette année…).

Quasiment une demi-journée ! Imaginez le temps que l’on pourrait passer, à la place, en réunions inutiles, à se reposer, assoupi dans les fauteuils confortables de la salle du comité de direction, au lieu de faire chauffer notre cerveau pour repérer la bonne info, quand elle existe, au milieu de ce fatras de liens colorés ! Et on ne peut même pas repérer, avant d’ouvrir le mail, quelques mots-clés qui nous aideraient à y voir plus clair. Avez-vous remarqué que 100 % des newsletters commencent par la même phrase : « Si vous ne voyez pas ce message, cliquez ici. » Les pros du marketing ont vraiment le sens de la formule : de toute façon, si on ne voit rien, on ne risque pas de cliquer dessus !

On lit dans ce numéro de Best Practices (voir page 8) que l’activité de lecture et de traitement des e-mails coûterait, selon IDC, pas moins de 14 000 euros par an et par salarié, occupé à ces tâches environ treize heures par semaine, dont probablement trois ou quatre pour trier des newsletters. Ca fait cher par lien inutile… En plus, c’est dangereux pour la santé ! J’ai trouvé une excellente étude faite par deux chercheurs de l’université de Londres et, comme c’est mon jour de bonté, je donne la source pour ceux qui lisent l’anglais dans le texte : “The dark side of information: Overload, anxiety, and other paradoxes and pathologies,” Journal of Information Science, Volume 20, Number 10. Les chercheurs nous rappellent qu’il faudrait, à raison de trente minutes par document, 200 000 ans pour lire tout ce qu’il y a sur le Net. On apprend, dans cet article, que la surabondance d’information provoque de l’anxiété, une attention démesurée à des micro-tâches, une superficialité dans les interactions avec les autres… Une étude citée dans cet article nous indique aussi qu’un tiers des managers considèrent que leur santé (mentale ?) a été affectée par la surabondance d’informations.

Le cabinet de conseil McKinsey vient juste de publier sur son site Web un article intitulé « Recovering from information overload », dans lequel les consultants suggèrent d’appliquer, avec une bonne dose d’autodiscipline, la règle des trois « F » : « Focus, Filter, Forget », que l’on pourrait décliner par : « Ne vous empoisonnez pas avec des sujets que vous savez inutiles pour vous bien avant de recevoir l’info ; Filtrez toutes les conneries que vous pouvez recevoir ; Ne vous prenez pas la tête pour savoir si vous avez bien fait, oubliez tout ! » Et comme je ne suis pas un héros du multitâche, je vais rajouter une quatrième « F » : « F… them all ! » Oui, je sais, c’est un peu brutal, mais c’est pas moi qui ait commencé !