Il existe depuis longtemps un tabou dans nos entreprises : lorsque nous avons des collègues pénibles, il n’est pas toujours facile de le leur dire et encore moins de s’en débarrasser, même si on est petit chef, moyen chef ou grand chef.
Un sondage réalisé par Qapa (une agence d’intérim On Line) nous apprend que les deux-tiers des français avouent travailler avec des collègues gênants et un sur deux pense que cela devrait être un critère de licenciement. A ce compte-là, je viderais ma DSI en six mois et si l’on appliquait ce principe aux métiers, l’entreprise perdrait au moins la moitié de ses effectifs en moins de temps qu’il n’en faut à un collègue relou pour raconter haut et fort pendant plus d’une heure son dernier voyage aux Baléares à tout l’Open Space.
Le sondage Qapa répertorie les événements les plus gênants et, en parcourant la liste, j’ai constaté avec horreur que nous les cumulions tous… Passons sur les discussions téléphoniques privées, les plus redoutées, mais que l’on ne peut guère maîtriser. Dans l’Open Space où « travaillent » mes équipes, il y en a forcément une en cours en permanence et l’on finit par s’habituer, d’autant que les collaborateurs-commères sont toujours avides de détails croustillants, que ne manquent pas de lâcher (in)volontairement ceux qui s’adonnent à cette pratique. Mais il y a d’autres attitudes, qui relèvent davantage de problèmes psychologiques. Ainsi, 16 % des salariés se disent gênés par les « monologues incessants » de certains. Nous avons effectivement quelques développeurs et chefs de projet qui se parlent à eux-mêmes, certainement parce qu’un ami schizophrène leur a expliqué que rien ne vaut le travail collaboratif avec soi-même… D’autres ont des tics et des tocs : entre celui qui fait le tour de l’Open Space tous les matins, l’obsédé de la contamination bactérienne des claviers et le chef de projet qui doute tellement que ses dossiers n’avancent pas, nous avons le choix….
On trouve aussi les « plaintes, râles et grognements » (20 % des français les déplorent sur leur lieu de travail), qui font plus penser à un zoo qu’à un Open Space de DSI. Il faut dire que beaucoup ont de bonnes raisons d’agir ainsi, avec des « attitudes négatives » : se plaindre du DAF et de la DRH, râler contre la technologie qui ne fonctionne pas ou grogner contre le rythme de travail (forcément infernal), c’est commun ! A partir de la liste des facteurs de gêne identifiés dans le sondage Qapa, on peut facilement dresser une typologie des collègues pénibles, voire très pénibles. J’ai recensé trois catégories.
On trouve d’abord les « relous », par exemple ceux qui profèrent des « remarques inappropriées et déplacées », du style : « Tu es sûr que ton projet va générer un réel retour sur investissement ? » Franchement, c’est une question à ne jamais poser. Deuxième catégorie : les crados, caractérisés par « leurs odeurs, leurs postures, leur façon de s’habiller et leurs bruits corporels (toux, gaz, éructations…) ». On en a aussi. Mais on a des excuses : l’habillement des développeurs et des chefs de projet, aussi incongru soit-il, fait partie du job, même s’il faut fixer des limites sous forme de KPI (Key Propreté Indicators), tels que l’écart maximal entre deux lavages de chemise, le budget minimum de pressing et la fréquence de fréquentation des salons de coiffure… Troisième catégorie : les têtes de cons, qui « manquent de respect, multiplient les grossièretés et manquent cruellement de savoir vivre. » J’ai lu le dernier ouvrage « Que faire des cons ? », qui vient de paraître chez Flammarion, dont je vous recommande vivement la lecture, mais je n’ai pas trouvé la réponse. L’auteur, Maxime Rovere, signale, que « de toute façon, lorsque vous faites la morale à un con, vous lui parlez dans un dialecte qu’il ne comprend pas. Il est structurellement impossible de se réconcilier avec les cons, car ils ne le souhaitent pas eux-mêmes. » J’ai donc renoncé à cette quête de l’intelligence, fût-elle artificielle…
On attend avec impatience le prochain sondage de Qapa sur cette question.