Avant le numérique, les plus anciens d’entre nous s’en souviennent, les plus grands mensonges étaient du type « Ce placement est vraiment sans risque », « Félicitations, vous avez gagné le gros lot ! », « Cet élixir vous fera retrouver votre jeunesse » ou « Croyez-moi, vous faites une bonne affaire ».
Et je ne parle pas du monde politique, dans lequel la liste des mensonges remplirait plusieurs volumes. Ni du monde de la communication corporate, les DSI sont bien placés pour savoir que ce que disent publiquement les directions générales à leurs clients, à leurs actionnaires, à leurs partenaires et aux médias n’a que peu de rapport avec la réalité. J’ai d’ailleurs lu qu’une étude du CONAR (Center of New Advanced Research) avait conclu que 87,3 % des salariés qui travaillent dans une entreprise où il fait bon vivre, les fameuses « best places to work », s’ennuient à mourir et qu’un tiers rêvent de trucider leur manager…
Avec le numérique, on retrouve bien sûr ces mensonges dans les e-mails de spams, destinés à ferrer les gogos et à siphonner leur portefeuille. Mais des mensonges plus subtils sont apparus. On connait les deux plus répandus, les internautes du monde entier y sont confrontés. D’une part, le fameux « J’ai lu et j’accepte les conditions générales ». Quasiment tout le monde ment en affirmant avoir lu lesdites conditions générales. D’autre part, lorsque l’on consulte des sites Web qui monétisent nos données personnelles, le non moins répandu message, sous forme de pop-up intrusif, affirmant avec toute la sincérité nécessaire : « Votre vie privée est notre priorité ». Quelle blague, alors qu’il n’en est rien ! Il faut plutôt remplacer « vie privée » par données personnelles, ce serait beaucoup plus proche de la réalité.
Dans le management des SI aussi, il existe des mensonges récurrents. En voici quelques exemples.
- « Le système d’information est notre priorité. » C’est un grand classique de communication des directions générales, selon le principe qu’il faut toujours dire à une audience ce qu’elle a envie d’entendre. Mais à force de l’entendre, on ne l’écoute plus… D’autant que ce principe ne se concrétise quasiment jamais dans l’évolution de nos budgets…
- « Nous réussirons notre transformation digitale, quoi qu’il en coûte. » Là encore, les directions générales se veulent à la pointe de la modernité, surtout quand tous les concurrents s’y mettent et que ça paraît ringard de rester en retrait. Même si « ça coûte un pognon de dingue », comme dirait l’autre.
- « Notre solution logicielle s’adapte et s’adaptera à tous vos besoins. » Ce n’est qu’un demi-mensonge : une solution logicielle peut toujours s’adapter à l’évolution des besoins, il suffit d’en changer tous les éléments et d’avoir les poches budgétaires profondes. Comme disait le célèbre philosophe hindou Tââp Hadbol (Xème siècle avant l’invention du concours de circonstance) : « Quand on change deux lettres à CRM, on obtient ERP. » Ce n’est pas vrai ? Certes, mais ce n’est pas faux non plus !
- « Notre SI est parfaitement sécurisé. » Cette affirmation est formulée par les DSI et les RSSI qui ne veulent pas perdre de temps en palabres interminables pour expliquer le « pourquoi du comment ça se fait que l’on obtienne pas 100 %. » Certes, ils ne veulent pas perdre de temps, mais ils risquent quand même de perdre leur emploi. Tout comme les commerciaux des fournisseurs affirment la même chose concernant leurs logiciels.
- « Cette application ne va avoir aucun autre impact sur le système existant. » Reconnaissons que c’est, pour les DSI, un mensonge par omission. Comme on n’en sait rien, on compte sur les probabilités pour conjurer le mauvais sort. Et on pourra toujours rétorquer que des éléments imprévisibles sont venus perturber cette belle affirmation.
- « Notre solution est top innovante, puisque ce sont les analystes qui l’ont dit et qu’ils nous ont placés en haut à droite dans leur carré magique ! ». Oui, ils l’ont dit, mais ils ont été payés pour ça ! C’est pour ça d’ailleurs que c’est magique et digne des meilleurs numéros d’illusionnistes : il suffit en effet d’inscrire quelques zéros sur un bout de papier (un chèque de préférence) et on déplace, comme par magie, un logo du bas à gauche d’une figure géométrique vers le haut à droite en seulement quelques secondes (applaudissements nourris).