Notre bien-aimé directeur général, Pierre-Henri Sapert-Bocoup, n’aura jamais si bien porté son patronyme. Non pas qu’il ait encore creusé les pertes lors du dernier exercice fiscal, ça, il le fait tous les ans. Mais parce qu’il a perdu une bonne vingtaine de kilos superflus, grâce à la méthode Ducon®©, du nom d’un célèbre gourou qui s’est reconverti dans le business des régimes amaigrissants.
À l’issue du dernier comité de direction, il (mon DG, pas le gourou) m’a expliqué les effets spectaculaires de cette méthode miracle, digne des meilleurs effets spéciaux jamais produits, même dans la grotte de Lourdes.
– Vous devriez, mon cher Séhiaud, dénicher un régime similaire pour faire maigrir notre système d’information, dont je trouve qu’il a plutôt grossi ces derniers temps. Je dirais même qu’il est un peu bouffi, vous ne trouvez pas ?
– Heu, si, peut-être…
Je me suis abstenu de lui rétorquer que, si nous en sommes là, c’est probablement à force d’être alimenté en permanence par des projets demandés par les directions métiers, qui ne se privent pas de les saupoudrer de technologies sucrées, de forcer sur de grasses fonctionnalités, le tout agrémenté de sauces politiques des plus aigres et gavées de cholestérol qui rendent les DSI hypertendus… Je me suis également abstenu de lui préciser que si son tour de taille avait diminué, ce n’était pas le cas de ses chevilles…
Mais, finalement, l’idée d’un régime amaigrissant ne semble-t-elle pas judicieuse ? On pourrait ainsi imaginer une déclinaison pour les SI, à l’image de toutes les méthodes plus ou moins efficaces que l’on trouve sur le marché pour affiner sa silhouette. On aurait ainsi le régime MontignaaS, dans lequel on allège toutes les applications en les envoyant dans les nuages, l’hyperprotéiné en Open Source pour doper le TCO (Transforming Computer Obesity), le basses-calories, très pauvre en nouvelles versions de logiciels et allégé en coûts de maintenance (dont on sait que c’est la première cause de mortalité des systèmes d’information), ou encore le régime californien, très riche en solutions de start-up pas chères.
Le régime Wait Watchers, lui, serait basé sur le fait qu’avant de lancer chaque projet, on attendrait au moins six mois pour voir si les utilisateurs sont toujours si impatients de voir leur application enfin livrée. Probablement que, dans un cas sur deux, ils se seront fait une raison, d’où une sacrée économie de lignes de code dont on sait que, à l’instar du mauvais cholestérol, elles s’accumulent pour boucher les artères réseaux. Pourquoi ne pas également imaginer un régime crétois pour ceux qui ont beaucoup de dette technique à éliminer ? Ou encore le régime « Citron détox » qui laisse un goût amer quand on découvre la pauvreté des applications développées…
Je vous propose, pour savoir si votre système d’information est en surpoids, d’utiliser la même formule que pour les individus : l’indice de masse corporelle. Pour un individu, c’est le rapport entre le poids et le carré de la taille. Et pour un système d’information ? Plusieurs indicateurs, à suivre dans le temps, sont possibles : le rapport entre le nombre de lignes de code et le carré du nombre d’utilisateurs (tiens, je suis curieux de faire le calcul…) ; le rapport entre le nombre d’applications et le carré du nombre de business units ou encore le rapport entre le nombre de réunions projets et le carré du nombre d’applications (avec celui-là, à coup sûr, on est tous en surpoids, limite obésité si les réunions s’éternisent…).
J’attends avec impatience les inévitables témoignages utilisateurs dont les promoteurs de régimes amaigrissants nous abreuvent, du style : « Moi, DSI, 45 ans, en surpoids informationnel depuis 2001, l’éclatement de la bulle Internet n’y ayant rien fait, j’ai adopté le régime Ducon®© et j’ai perdu en moins d’un exercice fiscal la moitié de mes applications et les deux tiers de mes lignes de code, et mon budget a fondu d’un quart. Je me sens beaucoup mieux ! »
Tu m’étonnes ! Y’a plus qu’à s’y mettre…