L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis n’avait été, finalement, guère une surprise. Pourquoi était-ce si prévisible ? Tout simplement parce qu’il a, pour se faire élire et durant son début de mandat, utilisé toutes les recettes de communication que nous, DSI, avons depuis longtemps intégré pour rester en place.
Certes, pour certains, cela n’a pas fonctionné et ils se sont fait virer. On connaît tous des confrères à qui leur patron a annoncé, comme l’avait fait Donald Trump dans son émission de télé-réalité : « You are fired ! »
Mais pour les autres, la majorité, je ne peux que recommander le recours à une méthode qui, quand même, a contribué à faire élire le président de la nation la plus puissante au monde. Pourquoi ne contribuerait-elle pas également à faire élire, ou au moins à maintenir dans leur poste, les managers les plus puissants des entreprises, à savoir nous, les DSI ? Je vous propose la méthode CAC, qui n’a rien à voir avec les sociétés cotées en bourse, mais qui n’en est pas moins profitable. Ma méthode CAC repose sur trois piliers : Communication, Action, Comportement. D’aucuns pourraient ajouter un autre A (pour Autodestruction si rien ne fonctionne comme prévu), mais restons optimistes.
En matière de communication, le principe est d’attirer l’attention. Pour cela, rien de mieux que d’attiser la haine vis-à-vis des consultants et des fournisseurs (qui, comme des mexicains, viennent capter les budgets de la DSI qui seraient mieux utilisés pour étoffer les équipes internes). Faites croire à vos utilisateurs que vous allez ériger un mur pour gérer le problème… Nul doute que les projecteurs demeureront longtemps braqués sur la DSI, qui pourra ainsi marteler son slogan favori : « DSI first ! » Au quotidien, il faut bien sûr employer un langage simple, assimilable par le plus grand nombre : rappelez-vous que le niveau de compréhension des utilisateurs de la chose numérique est relativement bas. Bannissez les mots de plus de trois syllabes et contentez-vous d’un registre linguistique restreint. « La super DSI leader va régler vos problèmes pour que vous puissiez conserver votre job » constitue une bonne entrée en matière pour faire comprendre que les utilisateurs n’ont pas d’autre choix que de remettre leur destin professionnel entre les mains de la DSI.
Utilisez tous les ressorts du storytelling (Ah ! Le pauvre utilisateur de la filiale de province que la DSI a sauvé d’une catastrophe en lui restituant ses données sauvegardées…). Et comme notre ami Donald, pensez toujours à remercier tout le monde, même si vous n’en pensez pas un mot. On ne le dira jamais assez : comme Donald, vendez du sentiment, de l’émotion, pas de la technique, dont tout le monde se fiche ! Et si certains de vos collègues sont un peu trop enclins à vous mettre des bâtons dans les roues, n’hésitez pas à mentir et à relayer le tout sur le Twitter de la DSI.
Pour ce qui est de l’action, rien de mieux que le populisme technologico-numérique. Les métiers qui dépensent trop pour de maigres résultats seront pointés du doigt, de même que les consultants en stratégie (sauf ceux qui sont de votre famille) grassement payés plus de 4 000 euros par jour par la direction générale pour trouver des idées que tout le monde a déjà. Faites croire que tout le budget IT sera entièrement dédié aux utilisateurs, même si ce ne sera jamais vrai (il ne faut quand même pas exagérer) : c’est ce qu’ils ont envie d’entendre ! Et à ceux qui contesteraient, opposez-leur des « faits alternatifs » : la vérité factuelle s’effacera lorsque votre opinion deviendra la réalité…
Quant au comportement, il doit aussi être exemplairement décalé, sinon vous serez vite oublié. Un peu de mépris pour votre prédécesseur et une bonne dose de vulgarité ne feront pas de mal à vos relations avec les métiers. Au lieu de rester politiquement correct, pourquoi ne pas leur asséner la vérité ? Ne dites pas « Ton cahier des charges souffre de quelques imperfections, il gagnerait à être étoffé », mais plutôt : « Ton cahier des charges, je l’attrape par la reliure et je te le fait bouffer si tu ne changes pas tes prévisions de ROI. » Vous verrez que la prochaine fois, ils seront plus dociles… Soyez également imprévisible, même vis-à-vis de vos collaborateurs. Institutionnaliser le doute, faire croire que l’instabilité est vertueuse, jouer sur la crainte, voire la peur, susciter le désarroi et les controverses à répétition : tels sont les bonnes attitudes du DSI sans scrupules qui trumpe énormément. Reste quand même une incertitude : tout comme Trump, vous risquez de ne pas aller jusqu’au bout de votre mandat si vous en faites trop… Dernier conseil : éviter d’embaucher votre femme à la DSI : ça serait vraiment dommage de perdre son job pour une broutille d’emploi fictif !