L’intelligence artificielle est cuisinée à toutes les sauces. N’importe quelle start-up se revendique reine de l’IA, n’importe quel fournisseur en a mis des morceaux dans ses offres existantes, n’importe quelle ESN affirmera, sans rire, qu’elle dispose des meilleurs experts et n’importe quel gourou, qui se positionne sur ce créneau, verra sa notoriété dopée avant qu’un autre mode ne prenne le relais.
Et dans ce domaine, l’imagination est au rendez-vous pour associer les algorithmes à des personnages censés représenter cette révolution technologique, comme ils disent. On trouve ainsi le cher Watson chez IBM (« L’intelligence en œuvre pour construire l’entreprise cognitive », rien que ça…), le non moins célèbre Einstein chez Salesforce (« L’intelligence artificielle pour tous », ben voyons…), le brillant Holmes chez Wipro (« L’intelligence artificielle ici et maintenant », qui sonne comme un slogan politique) ou encore le visionnaire Darwin chez Engie (« Plateforme digitale pour libérer un potentiel considérable de performances », pourquoi pas…).
On s’en doute : le concours ne va s’arrêter en si bon chemin. Je dispose d’informations exclusives, que vous serez les seuls à avoir : comme ce domaine de l’intelligence m’intrigue depuis longtemps, j’ai passé quelques jours dans la Silicon Valley. Dans ce territoire quand même relativement vaste (5 000 km², l’équivalent des Bouches-du-Rhône ou de la Lozère), il en existe un plus petit, de quelques hectares, dans lequel se concentrent de nombreux chercheurs travaillant sur l’intelligence artificielle. C’est un endroit assez isolé, mais c’est quand même là que se joue l’avenir du monde ! Ils ont baptisé ce coin reculé : Siliconne Valley. « Comme ça, personne ne se doute que nous travaillons, dans le plus grand secret, sur l’intelligence », m’a révélé l’un des patrons des multiples start-up qui peuplent l’endroit.
Tous ces honorables experts travaillent sur les prochaines applications que nous verrons arriver dans nos systèmes d’information dans un avenir pas si lointain. Et dont j’ai pu avoir la primeur :
- César, application utile pour conquérir par la force de nouveaux territoires marketing et faire en sorte que les commerciaux aient le pouvoir absolu. Toutefois, cette application doit encore être paramétrée, car elle a une fâcheuse tendance à déclencher une guerre d’égos entre commerciaux et marketeurs.
- Ghandhi, algorithme qui détecte les affinités entre les personnes et, ainsi, les amènent à ne plus pratiquer la violence verbale pour privilégier la paix organisationnelle dans l’entreprise. Cette application, testée entre des CDO, des DAF et des DSI, n’a, pour l’instant, pas donné de résultats probants.
- Freud, algorithme qui détecte le sens caché de tout texte qui lui est soumis. Mais ce n’est pas encore au point, car les auteurs desdits textes ont tendance à devenir dépressifs après que l’application leur montre que tout le monde se fiche de ce qu’ils ont écrit, surtout dans les domaines de la gouvernance corporate, du consulting en stratégie, du marketing et de la communication.
- Ramses, application conçue par la star de la Siliconne Valley : Mickey Rynoss. Elle est destinée aux bâtisseurs de schémas directeurs massifs et détecte automatiquement si les projets respectent la hiérarchie des besoins, telle qu’elle est décrite par la fameuse pyramide de Maslow. Elle en profite également pour déchiffrer les hiéroglyphes qui parsèment encore les carnets de notes des chefs de projets.
- Attila, application qui automatise le décommissionnement d’applications sans intervention humaine. Cela résout un problème récurrent dans les DSI, qui entretiennent de nombreux logiciels que peu ou personne n’utilise. Attila fait le boulot à la place du DSI, qui a autre chose à faire. Et surtout, l’algorithme étant particulièrement rigide dans ses critères, les équipes de la DSI peuvent dégager leurs responsabilités face aux mécontentements inévitables des utilisateurs. Les concepteurs ont imaginé un argument de vente sous la forme « Là où Attila passe, l’application trépasse et les fonctionnalités ne repoussent plus. »
- Borgia, un algorithme qui est plutôt destiné aux directions des ressources humaines. Il mesure le niveau de maturité de la culture d’entreprise et l’engagement des salariés vis-à-vis de leur organisation. Son secret réside dans la détection automatique précoce de tous les éléments qui pourraient conduire à managericides (c’est pareil que les fratricides ou les parricides, mais entre collègues), à des trahisons, au népotisme et à l’empoisonnement à la réunionite aigüe (redoutable substance toxique à action lente qui, à haute dose, annihile les capacités de réflexion et la prise de recul).