Depuis que la crise sanitaire s’est durablement installée, nous ne recevons plus aucune invitation à des événements physiques. Certains ne s’en plaindront pas, mais c’étaient des occasions de sortir de notre bureau, d’économiser quelques déjeuners et dîners (pour les DSI les plus nécessiteux), de rencontrer des collègues, de discuter avec nos fournisseurs (pas trop longtemps quand même, sinon on finit par leur acheter quelque chose).
Mais ça c’était avant ! En attendant un hypothétique retour « à la normale », comme la nature a horreur du vide, les fournisseurs et les organisateurs d’événements se sont rués sur les webinaires pour occuper le terrain. Nos boîtes e-mails sont désormais remplies d’invitations nous demandant de nous inscrire à des événements virtuels sur tout et n’importe quoi.
Auparavant, il y avait quand même une barrière à l’entrée : un fournisseur qui voulait organiser un événement devait dégager un budget, pour nous accueillir dans de bonnes conditions et avec des mets de qualité, à défaut d’un programme attrayant… Ayons une pensée émue pour certains de nos collègues DSI (heureusement ils ne sont qu’une poignée) qui fréquentaient assidûment les événements et dîners proposés par les fournisseurs, non pas par intérêt professionnel, mais pour discuter avec d’autres autour d’un verre de champagne et d’un repas dans les plus grands restaurants. Je n’en fais pas partie, mais je comprends que la situation actuelle ne les ravisse pas, car ils sont obligés de passer plus de temps au bureau ou chez eux pour travailler.
Désormais, n’importe qui peut proposer un webinaire, c’est quasiment gratuit. « Créez votre premier webinaire en cinq minutes », nous promet l’un des fournisseurs de ce type de services, en tête des liens sponsorisés sur le moteur de recherche de Google. On reconnaît d’ailleurs les organisateurs radins : ce sont ceux qui avertissent que le nombre de places pour assister à leur événement virtuel est limité, parce qu’ils ont souscrit à une offre gratuite qui restreint le nombre de participants.
L’avantage c’est que l’on a une telle diversité de sujets qu’il y en aura pour tout le monde. C’est open bar puisque cela ne coûte quasiment rien. Et il n’y a plus besoin de se préoccuper de la qualité des intervenants, si l’audience n’est pas au rendez-vous, ce n’est pas grave. Je suis persuadé que dans les prochains mois, nous allons assister à une explosion du nombre de webinaires qui nous seront proposés, ce qui ne facilitera pas le tri entre les quelques sujets intéressants et la masse des autres, trop commerciaux pour être honnêtes.
Il n’empêche : cette profusion d’événements virtuels risque de créer des effets d’accoutumance parmi les managers IT. La participation à des événements physiques se heurte à la contrainte de temps, dans la mesure où on ne peut être à deux endroits à la fois, mais cette contrainte a disparu. Qu’est-ce qui empêche de participer à dix webinaires en même temps ? Rien. Verra-t-on les psychologues s’intéresser à des cas de webinarholics, à l’image des workaholics (bourreaux de travail) ? Et étudier le comportement de ceux qui ne veulent rien rater de peur de perdre en compétences, victimes du célèbre syndrome FOMO (Fear Of Missing Out), anxiété que l’on retrouve chez les utilisateurs compulsifs des réseaux sociaux, inquiets de manquer une information, souvent sans intérêt ?
Je suggère de créer sans délai une nouvelle association : les Webinarholics Anonymes, sur le modèle des alcooliques anonymes. Elle réunirait régulièrement tous ceux qui ne peuvent décrocher des webinaires sans l’aide des autres. Et si beaucoup de DSI s’y pressent, nul doute que des éditeurs de logiciels et des cabinets de conseil auront l’idée de les sponsoriser, afin d’accéder à une audience qualifiée pour alimenter leurs bases de prospects… On ne se refait pas !