Moi qui, de temps en temps, regarde les petites annonces et prends le temps de rendre visite à nos chers consultants en recrutement lorsqu’ils m’appellent, histoire de sonder le marché, je suis tombé sur une petite annonce fort instructive. Elle m’a confirmé dans mon opinion que si tous les DSI ne sont pas logés à la même enseigne, ils ont tous un rôle stratégique.
Il s’agit d’une collectivité locale du centre de la France qui cherche son RSI (responsable des systèmes d’information). L’histoire ne dit pas s’il s’agit d’une création de poste (il serait temps, pour une agglomération de plusieurs milliers d’habitants) ou si le précédent a jeté l’éponge, ou trouvé mieux ailleurs. Ce responsable des systèmes d’information aura fort à faire et ne restera pas inoccupé. On espère qu’il n’a pas été nourri aux 35 heures… ! En effet, il lui faudra, d’abord, « mettre en œuvre le nouveau schéma directeur informatique » (y compris pour la téléphonie et la reprographie, sinon c’est pas drôle…). On s’en doute, il faut aussi s’occuper de l’assistance aux utilisateurs, y compris, là encore, pour la téléphonie et, pire, la reprographie : à lui les bourrages de papiers et le changement du toner plusieurs fois par jour !
Tout cela en plus de ce qui constitue les missions de base de tout DSI : la gestion de l’infrastructure technique (que le futur candidat se rassure : il n’y a que 250 postes et six serveurs, mais répartis sur une vingtaine de sites) ; l’administration technique des logiciels et les relations avec les prestataires ; l’administration du système d’information (droits d’accès, sauvegarde, confidentialité des données) ; la gestion de l’intranet et le développement d’applications complémentaires… Sans oublier la gestion des budgets, bien sûr, et on imagine qu’ils sont serrés. Inutile de préciser qu’il s’agit d’un « poste à temps plein », on s’en doute. C’est même un super temps plein ! C’est bien évidemment un DSI « confirmé » qui est recherché, avec entre deux et cinq ans d’expérience. La petite annonce ne précise pas si Superman peut être candidat. Bien payé, ce poste de DSI ? Entre « 1 977 et 2 177 euros par mois ». On espère qu’il s’agit d’un salaire net.
Responsable du SI, des téléphones et des photocopieurs… et plus si affinités ?
Mais ne chipotons pas, la grille de la fonction publique territoriale ne permet pas de faire des folies avec l’argent des contribuables, surtout pour quelqu’un qui n’est pas directeur mais seulement responsable du système d’information, des téléphones et des photocopieurs (RSITP). Et l’heureux élu va vite comprendre qu’il est surtout responsable de tout ce qui ne va pas… Même si cela n’a rien de spécifique aux collectivités locales : nous sommes tous responsables des dysfonctionnements et jamais, ou rarement, de ce qui tourne à merveille. Peut-on mieux, à travers cette annonce de recrutement, décrire le caractère stratégique de notre métier ? Difficilement. On voit bien, à travers la description de ce poste, que sans le système d’information, ce serait la paralysie rapide. Qu’il s’agisse de 250 postes de travail ou de 25 000 ne change rien à l’affaire. Il n’est hélas pas évident que ceux qui nous emploient soient bien conscients de cet état de fait.
Certes, il serait malvenu de se plaindre du niveau de nos rémunérations, même en les comparant à celles de nos collègues des directions métiers et dont la valeur de certaines peut paraître discutable. Il n’empêche : effectuer, que dis-je, avoir la responsabilité, de toutes ces missions, pour moins de 100 euros par jour, relève en grande partie de la vocation ou je ne m’y connais pas. Ce n’est pas la mienne : j’ai la chance, dans le groupe Moudelab & Flouze Industries qui m’emploie, de pouvoir déléguer à mes deux adjoints (moins bien payés que moi, faut quand même pas exagérer), surtout la résolution de ce qui ne fonctionne pas. Mais j’ai conscience d’évoluer dans un environnement privilégié, toutes choses égales par ailleurs, comme on écrit dans les revues scientifiques. L’histoire ne dit pas qui a été recruté suite à la petite annonce : quel qu’il (elle) soit, il faudra s’accrocher. Mais voyons le bon côté des choses : c’est une formidable école pour un DSI que de s’occuper de tout. Et je dis bravo l’artiste !