On connaissait « La méthode à Mimile » pour maîtriser l’argot, on a maintenant « La méthode à Poutine » pour apprendre à rater tout ce que l’on entreprend. On ne le savait pas, mais le maître du Krelin est un vrai manager… pour tout rater ! Pour ceux qui veulent en faire autant avec leurs projets, je vous révèle en exclusivité le contenu d’un document ultra-secret publié conjointement par le KGB (Katalogage de Grosses Bourdes), le FSB (Faut Savoir Bidonner) et la Douma (Dis-moi Où Magouiller Ardemment). Voici les treize règles qui portent malheur.
– Avoir des objectifs trop ambitieux. Votre projet est de conquérir le monde ? Voilà un objectif pour le moins ambitieux, mais qui a peu de chances de se réaliser. Vous rêvez, en tant que manager, de faire renaître l’URSS (Utilisateurs Ravis Sans Soucis) ? Oubliez, c’est quasiment impossible…
– Être très optimiste et penser que tout est trop facile, parce que vous êtes les plus forts. Oui, peut-être, mais quand il faudra se coltiner des tâches pour lesquelles on est peu préparés (style « combats au corps à corps » avec des chefs de projets retors embusqués dans les comités de pilotage), rien ne sera facile.
– Aller jusqu’au bout sans envisager de retour en arrière. C’est louable de vouloir aller de l’avant en bravant les difficultés, même si les dégâts sont souvent significatifs ruinant le projet. C’est la méthode Oural (OUtil de Retour en Arrière Limité).
– Négliger la logistique. Tout comme les russes ont un peu oublié les ravitaillements en essence de leurs blindés, vous pouvez rationner les ressources, oublier de fournir des locaux propices au travail des chefs de projets et des développeurs, ou négliger les livraisons de supplément sauce barbecue aux « pizza teams », qui travailleront tard le soir pour respecter les délais. C’est la méthode Caviar (Couper Avec Vigueur les Investissements Apparemment Récurrents).
– N’avoir aucune stratégie de rechange. Effectivement, cela ne sert à rien puisque vous êtes les plus forts ! C’est donc inutile de consacrer du temps à réfléchir à un scénario « au cas où… », puisqu’il ne se produira pas. C’est la méthode Missil (Manière d’Innnover Sans le SI Legacy).
– Sous-estimer la résistance au changement. Tout avait l’air pourtant facile, mais les populations locales d’utilisateurs ne s’en laissent pas compter par votre projet qu’ils trouvent contraire à leurs intérêts. Et ils ne vont pas se priver de le faire savoir en privilégiant la méthode URSS (Utiliser les Réseaux Sociaux pour Saboter).
– Faire une fausse analyse du retour sur investissement. Un projet ambitieux, qui se passe pour le mieux, va forcément générer un retour sur investissement positif. De quoi amortir les méthodologies en batterie, les consultants à tête chercheuse et les livrables à longue portée… Sauf s’il en faut beaucoup, ça finit par coûter très cher ! C’est la méthode Vodka (Virer Obligatoirement Des Kpi Adaptés).
– Négliger les retours d’expérience précédents. Si, dans votre entreprise, vous avez mené des projets IT très ambitieux dans vos filiales en Afghanistan, en Syrie, en Irak ou en Ukraine, vous avez probablement appris que rien ne se passe comme prévu et que l’enlisement est la règle. Mais peu importe, cette fois sera la bonne…
– Considérer que ce qui a fonctionné fonctionnera encore. C’est le pendant du principe précédent, qui consiste à ne voir que ce qui a fonctionné, en occultant le reste. C’est la méthode Crimée (Comment Revivre Indéfiniment les Mêmes Evènements Emblématiques).
– Ignorer les utilisateurs. Par rapport aux métiers nobles que l’on trouve dans les DSI, les utilisateurs ne sont que des « civils » que l’on peut sacrifier, personne ne dira rien et ils seront abandonnés à leur triste sort. Un projet IT peut donc parfaitement déplaire aux utilisateurs, l’essentiel est qu’il plaise à ceux qui l’ont développé. C’est la méthode Volga (Virer Ostensiblement Les Gêneurs Acariâtres).
– Démotiver les collaborateurs. Dans les DSI, entretenir et améliorer le moral des troupes n’a guère d’importance. Comme leur a dit la DRH au moment de leur recrutement : « Vous signez pour en baver ». Ils ne seront donc pas surpris que vous les traitiez comme des moins que rien. C’est la méthode Moscou (Museler Ouvertement les Savoirs et les COmpétences Utiles).
– Ne réaliser aucune analyse de risques. Anticiper les difficultés ne sert à rien. Au pire, vous pouvez menacer de « tout faire péter » avec une coupure budgétaire soudaine, quelques rafales d’objectifs irréalistes ou une explosion nucléaire des livrables qui les réduira en miettes. C’est la méthode Tsar (Tout Sauf une Analyse de Risques).
– Menacer tous ceux qui ne sont pas d’accord. C’est qui le chef ? C’est évidemment le DSI et il serait bon que tout le monde s’en souvienne. Tous ceux qui ne sont pas d’accord avec votre stratégie auront toutefois le choix : la porte ou… la porte ! C’est la méthode Kremlin (Kit de REMplacement des Licenciés Inutiles et Nuisibles).
Image par Azmi Talib de Pixabay