L’actualité nous montre, hélas, que les dérives sectaires et religieuses sont toujours aussi présentes. Je me suis toujours demandé comment les dérives islamistes pourraient s’appliquer à notre monde des technologies de l’information. Autrement dit, existe-t-il des « DSI radicalisés » et, si oui, quelles sont leurs caractéristiques et leurs comportements ?
Il faudrait d’abord savoir les reconnaître. On imagine bien un changement progressif de comportement : le DSI en voie de radicalisation se replie peu à peu sur lui-même, discute de moins en moins avec les métiers, rabroue plus facilement ses équipes dès qu’un cahier des charges comporte des mots blasphématoires pour son métier (du genre création de valeur, innovation, réduction de coûts…). On ne s’en aperçoit pas tout de suite.
On a de sérieux doutes lorsqu’il s’affirme chaud partisan pour couper des têtes dans certains services qualifiés, selon lui, de repaires de chefs de projet mécréants qui ne pensent qu’à se la couler douce au lieu d’œuvrer pour le salut de l’entreprise. On peut aussi voir le DSI radicalisé passer beaucoup de temps sur les sites spécialisés, à la recherche de bonnes pratiques qui font office de lois incontournables pour manager un système d’information.
Le DSI radicalisé est également très vigilant pour faire respecter les principes de la Charia (CHArte du Responsable Informatique Acariâtre). Selon ce document fondateur de toutes les activités des DSI radicalisés, il est possible de tuer les projets quand on en a envie, sans rendre de comptes. On doit voiler les dérives de délais et de budgets, on peut également lancer des fatwas sur les commerciaux avant-vente ou les consultants trop gloutons qui s’empiffrent d’avenants pendant le Ramadan. Avant de critiquer les coûts des licences logicielles, il faut absolument éviter de prononcer l’expression : « Ça coûte un bras ». Car le DSI radicalisé la prendra au premier degré et considérera que celui qui la prononce est coupable de blasphème caractérisé.
Les plus atteints suggéreront, en comité de direction, de renommer la DSI : Direction Informatique Et Utilisateurs, histoire d’ancrer l’acronyme D.I.E.U. dans le langage managérial et, ainsi, espèrent-ils, convertir leurs équipes et tous les collaborateurs de l’entreprise au respect qui est dû à leur mission sur Terre.
Bien sûr, chaque année en novembre, il partira en pèlerinage à la convention annuelle du grand cabinet Gare-à-tes-Nerfs. Il en reviendra gonflé à bloc d’avoir ingurgité des centaines de slides qui seront considérés comme autant de tables de la loi : gare à celui qui ne citera pas les bonnes pratiques dans son cahier des charges ou son compte-rendu de comité de pilotage. Il faudra particulièrement se méfier lorsque le DSI radicalisé souhaitera partir faire le Jihad dans un cabinet de conseil en stratégie : lorsqu’il reviendra dans une DSI, quelques mois ou quelques années après, il sera persuadé de détenir la vérité suprême et on ne pourra plus jamais le faire changer d’avis ! Même si, comme disait le célèbre prédicateur indien A. B. Mûsspâpâm : « Nul DSI n’est prophète en son organisation. »
L’histoire ne dit pas si le DSI radicalisé se retrouvera avec 70 vierges lorsqu’il ira au paradis numérique. Le pire serait qu’il y côtoie 70 consultants en stratégie qui lui pourriront la vie avec le strict respect des bonnes pratiques, ou 70 commerciaux avant-vente qui psalmodieront des bullets points de présentation Powerpoint sur une nouvelle solution révolutionnaire pour conserver le paradis numérique dans le cloud. Une véritable torture ! Pour l’éternité…
Image par Nina Garman de Pixabay