Il y en a quand même bien un qui va y penser… On peut faire confiance à la créativité de certains individus prêts à tout pour se rendre intéressants ! Vous avez certainement remarqué que le concept de télé-réalité tend à se décliner vers l’infini.
On commence par les chanteurs, pour chercher la « nouvelle star », et les artistes de cirque amateurs qui ont un « incroyable talent », on poursuit avec les émissions de cuisine ou celles mettant en scène des âmes esseulées qui veulent sortir de leur solitude, dans un pré ou ailleurs, sans oublier les piliers que sont Secret Story et Cie où les candidats se livrent à une compétition intense, sur fond de trahison et d’alliances factices.
La télé-réalité se rapproche des métiers, avec les cuisiniers, les boulangers, les agriculteurs : et si, un jour prochain, le concept se rapprochait dangereusement des DSI ? Vous me direz : « Ce n’est pas possible, pas nous, nous n’intéressons personne, nous ne faisons pas partie de l’environnement quotidien des français comme les boulangers ou de leur imaginaire comme les agriculteurs. » Peut-être. Mais ça se discute : l’informatique fait bien partie de l’univers quotidien des français. Et même plus que les boulangers : on ne connaît pas les statistiques, mais même les non-mangeurs de pains ont un PC, une tablette ou un smartphone…
Imaginez ainsi le raisonnement logique d’un créatif qui exerce ses talents dans une chaîne de télévision ou dans une société de production. Son chef lui demande de trouver un univers qui soit proche des téléspectateurs, avec un métier où l’on dénombre une bonne proportion de « fortes personnalités », avec des potentialités de conflits susceptibles de faire monter les audiences, des personnes qui ont des objectifs différents de leurs collègues et qui sont prêtes à tout pour sortir de l’ombre et surgir à la lumière des projecteurs d’un plateau de télévision.
– J’ai trouvé ! Chef, dira-t-il. On va faire une émission de télé-réalité avec des DSI.
– Des Délaissés de la Société Industrielle ?
– Non, des directeurs informatiques, si tu préfères, Chef.
Ce créatif plein d’avenir pourra alors expliquer son concept : « On va réunir une quinzaine de DSI, avec quelques DAF, DRH et directeurs marketing. On les laisse enfermés pendant quatre mois. On laisse mijoter la première semaine et après on compte les points : à coup sûr, on aura un beau spectacle de trahisons, de coups fourrés, de mensonges éhontés, et d’alliances bidons pour emmerder les autres. On aura tout ça en live, Chef ! Et on appellera l’émission SIcret Story. »
– Vas-y, coco, t’as le concept auquel personne n’a jamais pensé ! lui répondra certainement son Chef.
– J’imagine déjà les déclinaisons du concept : « Mon incroyable fiancé » (on mettra un DSI et un DAF), « MasterChef de projet », « The Voice » (celui qui parlera le plus fort en comité de direction), « L’amour est dans le Pré requis », « Qui veut épouser mon DSI » (avec un DG désespéré qui ne sait plus quoi faire), ou encore « L’île de la tentation » avec des super-commerciales ingénieuses d’affaires, à demi nues, qui devront vendre des licences logicielles à des DSI résolument adeptes de l’Open Source.
Ils nous imagineront probablement aussi un remake de Khô Lanta, avec toute une série d’épreuves insurmontables, depuis le lancer de cahier des charges lesté d’avenants de plomb, jusqu’à la plongée budgétaire sans oxygène en passant par la recherche du fournisseur le plus honnête dans un lagon peuplé de requins mangeur de jours-hommes. On peut imaginer également un remake de « Pékin Express », rebaptisé « Bangalore Express », dans lequel les DSI seront jugés sur leur capacité à comprendre ce qu’un développeur indien « a bien voulu dire par là… ». S’il y a une émission de télé-réalité qui pourrait me convenir, ce serait plutôt : « Je suis un DSI, sortez-moi de là ! »