Tout le monde connaît le célèbre hype cycle d’un non moins célèbre cabinet d’études américain. L’idée est intéressante, car elle permet de visualiser ce qui fait la vie d’une technologie, depuis son lancement, les espérances qu’elle suscite, les désillusions qu’elle génère, l’illumination de la seconde génération jusqu’au plateau de productivité, lorsque la technologie est, enfin, largement adoptée.
Si cette représentation peut correspondre à une vision macroéconomique des technologies et des systèmes d’information, elle n’est pas tellement pertinente dans nos entreprises.
Pour ma part, j’utilise plusieurs autres visualisations, sur le même modèle que le hype cycle. Tout d’abord, j’ai à ma disposition le « Aïe Cycle », qui me permet de représenter les technologies qui font mal au portefeuille, en particulier celles pour lesquelles il faut payer des montants colossaux pour la maintenance, chaque année, à plus de 20 % du coût des licences, sans trop savoir ce que l’on obtient en échange…
Le « Houlà Cycle », lui, est plus adapté aux technologies dont on sait qu’elles seront utiles, mais qui sont très difficiles à imposer, qu’il s’agisse de s’adresser aux DAF (« Houlà, on n’a pas le budget… »), aux métiers (« Houlà, c’est trop compliqué »), aux DRH (« Houlà, va falloir recruter, ce n’est pas le moment… ») ou aux directions générales (« Houlà, vous êtes sûr que c’est une bonne idée dans la conjoncture actuelle ? »).
Le « Gloops Cycle » est dédié aux technologies prometteuses, mais dont la greffe n’a pas pris dans notre organisation, suscitant de multiples déceptions parmi les utilisateurs qui ravalent ainsi leurs espérances les plus folles. Le « Argh Cycle » représente les technologies pour lesquelles le DSI s’est complètement trompé, souvent plutôt deux fois qu’une, voire systématiquement. Font partie de cette catégorie ceux qui, en général n’ont pas de chance et qu’il ne faut jamais recruter, car ils portent la scoumoune et transforment en moins de six mois un système d’information à l’état de l’art en système d’information en sale état tout court. On en connaît, ce sont ceux qui, lorsqu’on voit qu’ils sont nommés dans une nouvelle entreprise, suscitent des paris pour calculer leur durée de vie dans le poste avant que leur employeur ne s’aperçoive qu’ils ne sont pas à la hauteur (que l’on se rassure, on trouve les mêmes dans la population des consultants).
Quant au « Snif Cycle », il concerne les technologies qu’il faut bien, un jour ou l’autre, mettre au rencart. Ce sont souvent des technologies ou des applications que les utilisateurs se sont appropriées et qu’ils regretteront.
On peut donc représenter l’ensemble des cycles pour visualiser l’état d’un système d’information (voir mon joli schéma). Évidemment, je vous vois venir et beaucoup d’entre vous estimeront que l’ensemble représente « un beau bordel et qu’il est difficile de s’y retrouver » : ce sont exactement les caractéristiques de 99 % des systèmes d’information des entreprises françaises. Mais je suis sûr que vous étiez déjà arrivés à cette conclusion…