Nous n’avons pas les mêmes valeurs

Vu le nombre d’études en tous genres qui sont publiées et dont on nous abreuve à longueur d’e-mails commerciaux pour nous démontrer que telle ou telle tendance est à la mode, que tel fournisseur, ça tombe bien, a des offres qui sont faites pour nous et qu’il faut justement investir avant qu’il ne soit trop tard, on est un peu lassé.

Mais, quelquefois, certains ont de bonnes idées. J’ai lu, sur le site de la Harvard Business Review (*), les résultats d’une étude menée au niveau mondial (ça ne rigole pas), par la patronne du Quantum Leadership Group (ça ne rigole pas non plus), groupe américain spécialisé dans le coaching (là, ça rigole encore moins). Objet de cette étude : identifier les compétences les plus importantes pour avoir un bon leadership. Noble tâche…

Là où ça se complique, c’est lorsque l’on parcourt les résultats, on doute que cela corresponde à la réalité. Surtout dans mon organisation ! En tête des valeurs reconnues comme indispensables pour assurer un bon leadership : « l’éthique et la morale, le fait d’exprimer clairement les objectifs et de les communiquer ».

Je ne vous cache pas que ça commence mal. La morale de notre P-DG est plutôt élastique en fonction des circonstances, de même que l’éthique, à géométrie variable : dans le sens du vent pour les analystes financiers, qui ont tendance à gober n’importe quel bobard, et dans le sens contraire, dès qu’il faut investir quelques sous. Exprimer clairement les objectifs ? Ils sont rares les dirigeants à savoir le faire. On ne peut toutefois pas les blâmer : ils ne savent pas eux-mêmes où ils vont, ce n’est donc pas étonnant qu’ils ne puissent exprimer une quelconque vision. Et je ne parle pas des dirigeants « plante verte », que l’on retrouve dans toutes les organisations à tendance bureaucratique. Quant à la communication des objectifs, à supposer qu’ils soient définis, vers les collaborateurs, on attend toujours… La quatrième posture est, elle, parfaitement alignée avec la réalité : la capacité à changer d’avis. J’ai arrêté de compter le nombre de fois où l’on m’a demandé une chose et son contraire. Je fais tout écrire et je conserve précieusement mes archives…

Les autres critères sont, eux aussi, un peu décalés : « l’ouverture aux idées nouvelles » est particulièrement difficile à installer. Il est certainement plus facile d’apprendre le Cobol à un manchot que d’ouvrir l’esprit de nos dirigeants, surtout en matière de technologies numériques. De même, pour l’acceptation de l’échec : chez nous, elle prend la forme d’une porte avec le logo Pôle Emploi, collé bien en évidence. Quant à nous transformer en « leaders de nouvelle génération », nous serons tous morts avant que cela se produise : pas question, en effet, que l’on devienne leaders à la place des leaders ! Ils ne se laisseront pas faire tant la place est bonne. Comme le dit si justement le célèbre consultant en méthodes expéditives Kimil Soung, du cabinet CORÉE (Comment Opprimer Résolument l’Énergie de l’Entreprise) : « Vaut mieux avoir le bras long avant de mettre le doigt dans l’engrenage. »

(*) « The Most Important Leadership Competencies According to Leaders Around the World ». https://hbr.org

RangLes valeurs privilégiées…Heu… c’est pas comme ça en vrai…
1L’éthique et la moraleMais où a-t-on rangé cette foutue charte de déontologie que l’on a payé si cher ?
2L’expression claire des objectifs stratégiquesUrgent : recherche DG sachant où il va…
3La communication claire des attentes de la DGComme dit le poète : « Tout objectif flou conduit inévitablement à une connerie précise »
4La capacité à changer d’avisIl est surtout utile d’attendre le contre-ordre
5La capacité à faire progresser les managersTravailler plus pour gagner autant, voilà un principe facile à appliquer
6Une communication régulière et transparenteC’est sûr qu’avec les bras cassés de la direction de la comm’, c’est gagné d’avance…
7L’ouverture aux idées nouvelles« Nous partîmes avec 500 idées mais, par un prompt renfort de bureau­cratie et de découragement, nous nous vîmes dépouillés de notre créativité en arrivant au bureau » – Extrait du CID (Comité Incapable de Décider)
8L’acceptation de l’échec Pour un échec réalisé, une rupture conventionnelle offerte !
9La capacité à transformer les collaborateurs en leaders de nouvelle génération Le premier qui a une idée sera désigné volontaire pour réécrire tous les processus de back office
10L’encouragement à expérimenter sans sanctionner les erreurs Il faut juste ne pas se faire prendre la main dans le sac à bonnes idées
Source : colonne de gauche : Harvard Business Review. Colonne de doite : on ne sait pas trop.