Comme vous, je suppose, je reçois quantité de CV de la part de « talents », c’est du moins ce qu’ils affirment, qui veulent travailler dans notre DSI. Il est vrai que l’ambiance est plutôt sympa. J’évite de « prendre la tête » de mes équipes pour des sujets qui n’en valent pas la peine, de les surcharger de boulot et d’être sur leur dos en permanence pour scruter ce qu’elles font.
Il n’empêche : il faut bien renouveler la matière grise, sans laquelle nous ne saurions exercer nos missions sereinement. Hélas, dans ma pile de CV agrémentés de lettres de motivation complètement insipides, sans intérêt, quasiment toutes écrites avec les mêmes mots, je ne trouve guère de vrais « talents », au véritable sens du terme : « Aptitude remarquable, naturelle ou acquise, pour réussir en quelque chose », nous explique le dictionnaire Larousse. En matière de recrutement, une erreur est si vite arrivée…
En visionnant les dernières diffusions de l’émission « La France a un incroyable talent », et son équivalent américain (« America’s got talent »), je n’ai pu m’empêcher de penser qu’il serait très intéressant et très utile, pour nous pauvres DSI, qu’une telle émission soit centrée sur les professionnels de l’IT. Histoire d’identifier ceux qui méritent de travailler avec nous. J’imagine déjà les superbes talents que nous pourrions intégrer dans nos équipes. Et les profils que je plébisciterais si j’avais le privilège de faire partie du jury :
- L’équilibriste qui arriverait à faire tenir à la fois, sur la même corde raide, les exigences des métiers et les contraintes techniques, qui deviendraient évidemment plus lourdes à mesure qu’il progresserait vers son objectif.
- Le chanteur d’opéra, capable d’élever la voix pour subjuguer un auditoire, à partir d’un cahier des charges en trois actes (ou une tragédie, c’est selon…). Le public se lèverait dans une ultime ovation devant tant de puissance vocale.
- Le magicien, capable de faire disparaître un DAF en moins d’une minute, de couper une directrice marketing en morceaux, d’enfoncer du plomb dans le crâne d’un directeur général en prenant soin de ne pas l’enlever à la fin du tour ou d’enfermer un DRH dans un coffre dont il jetterait la clé aussi loin que possible, juste pour voir s’il est aussi malin qu’il le dit…
- L’acrobate, qui pourrait rebondir à l’infini sur son trampoline de projets en attente sans jamais se casser la figure, se hisser en haut d’un mât pour décrocher une rallonge financière et serait un virtuose de la barre (budgétaire) fixe.
- Le jongleur, qui nous montrerait comment faire valser les ROI, envoyer en l’air les assiettes technologiques sans les casser et balancer des quilles de prérequis à plus de deux mètres sans se les prendre en pleine face. Sans tomber, bien sûr dans la facilité à trois balles…
- Le contorsionniste, qui parviendrait à tordre dans tous les sens un contrat de licence pour lui donner une forme sympathique et digeste.
- L’humoriste, capable de présenter des sketchs pour se moquer des DAF mal-comprenants, des DRH atteints de troubles cognitifs, des contrôleurs de gestion névropathes cycliques, des développeurs aveugles sortis d’ateliers protégés, des consultants déficients mentaux, des polyhandicapés de la conformité et des auditeurs équipés d’œillères de naissance, etc. Tout cela dans la joie et la bonne humeur !
- Le mime, qui serait champion, dans les réunions, pour ne rien dire et n’en penser pas moins.
- Le mentaliste avec la capacité, bien utile pour nous, de pouvoir deviner ce que pensent les métiers, nos patrons, nos collègues, nos fournisseurs. Le talent ultime…
- Le dresseur d’animaux, dont on apprécierait l’habileté à faire tenir tranquilles des fauves qui ne pensent qu’à vous dévorer (tout ressemblance avec un CDO serait purement fortuite), à en faire obéir d’autres sans qu’ils rechignent à la tâche (toute ressemblance avec certains chefs de projets fortes têtes serait évidemment tout aussi fortuite) ou à en calmer d’autres, très agités quand ils sont en meute (toute ressemblance avec certains développeurs, etc…)
- Le ventriloque, qui nous apprendrait à exprimer des opinions disruptives sans que personne ne s’aperçoive que nous les avons prononcées.
- Le danseur, par définition un spécialiste Java, qui nous expliquerait les arcanes de la valse des fonctionnalités, les techniques du tango budgétaire, l’utilité de parfois maîtriser le French Concon, l’avantage du swing pour éviter les peaux de bananes, voire l’art de la danse nuptiale, s’il convient de séduire une nouvelle CDO qui ne demande qu’à développer les synergies avec la DSI.
- Le transformiste, qui serait capable d’endosser en moins de trois secondes un costume de patron de business unit, de DSI, de CDO, de consultant en stratégie… tout cela sans perdre son âme !
Avec un tel casting, nul doute que nous serions définitivement armés pour réussir tout ce que nous entreprendrions !