Codir, que dire ?

Je ne sais pas comment ça se passe dans vos organisations respectives, mais, chez Moudelab & Flouze Industries, les réunions mensuelles du comité de direction sont plutôt soporifiques.

Le pire, c’est que peu de décisions réellement cruciales sont prises. Notre dernière réunion, celle de septembre, qui a suivi les vacances pendant lesquelles tout le monde a un peu oublié les problématiques de l’entreprise, a été un modèle du genre.

Le fait que les résultats du dernier trimestre fiscal soient catastrophiques n’a évidemment pas contribué à améliorer l’ambiance…

Notre vénéré P-DG, Pierre-Henri Sapert-Bocoup, a d’emblée dressé un constat plutôt pessimiste.

– Je ne vous cache pas que les évolutions de notre chiffre d’affaires et de notre résultat d’exploitation sont très décevantes. Je ne vous cache pas non plus que nos actionnaires principaux, les fonds de pension FUCK (Federal Union Corporate Kapital), Moron-Swindler & Associates et le fonds Ducon (Development Under Corporate Optimization Nuts), sont devenus nerveux.

Il se tourne alors vers notre DAF, Lucas Cheflot, lui demandant d’expliquer les raisons d’une telle situation.

– La direction financière n’est évidemment pas responsable de cette situation, il faut chercher les causes du côté de la direction marketing, qui n’a pas lancé suffisamment d’opérations de communication et de promotion de nos produits ! Telle est la triste réalité…

– La direction marketing n’est évidemment pas responsable de cette situation ! s’insurge Alain Taite de GondHaule. Il est de toute façon inutile de multiplier les actions de promotion si la direction commerciale n’est pas capable de vendre…

Le directeur commercial, Maurice Bonlide, une vraie caricature avec ses chaussures pointues et ses costumes sur-mesure, s’est tortillé sur son fauteuil, avant de prendre la parole. Il faut dire qu’il est connu pour maîtriser à la perfection l’art de se défausser sur d’autres.

– La direction commerciale n’est évidemment pas responsable de cette situation, monsieur le président, il faut rechercher les causes du côté de la direction logistique. Si nous n’avons pas atteint nos objectifs, c’est que nous ne pouvions pas livrer en temps et en heure les clients. Beaucoup ont annulé leurs commandes pour se tourner vers la concurrence.

La logistique ? Lorsqu’il entend ce mot, notre directeur en charge de cette activité sait qu’il va lui aussi devoir se justifier.

– La direction logistique n’est évidemment pas responsable de cette situation. Si nous disposions d’un système informatique digne de ce nom, nous serions beaucoup plus performants, je vous assure…

– Olivier, me demande alors notre président, je suppose que vous souhaitez répondre ?

– Effectivement. La DSI n’est évidemment pas responsable de cette situation, monsieur le président. Je dirais que la direction financière est pleinement à l’origine de cette situation, je vous rappelle que le budget de la DSI a été raboté de 17,5 % depuis deux ans. Cela nous a conduits à annuler ou retarder la modernisation de nos applications pour privilégier le maintien en conditions opérationnelles de notre système existant.

– Je vous répète que… répéta notre DAF.

– Cela suffit, tranche Pierre-Henri Sapert-Bocoup. Si vous continuez à accuser vos collègues, vous allez finir par affirmer que je suis le seul responsable de la situation, puisqu’aucun d’entre vous ne veut endosser une quelconque responsabilité dans la dégradation de nos résultats ?

Le silence qui s’est alors installé n’a laissé planer aucun doute quant à la réponse à cette question pertinente…

Comme personne n’a voulu endosser la responsabilité de la situation, on peut lui souhaiter bon courage à notre président pour se justifier auprès de nos chers actionnaires…

Encore un Codir où personne ne savait que dire…