Des pensées positivement positives

Il paraît que, dans les librairies, le rayon qui connaît le plus de succès est celui des ouvrages qui traitent des techniques de développement personnel. J’ai toujours été plutôt circonspect vis-à-vis de ce genre de littérature, souvent une collection de lieux communs, de conseils de bon sens que l’on peut trouver tout seul ou de conseils que l’on n’appliquera jamais.

Comme les bonnes résolutions de début d’année, ces injonctions de gourous du développement personnel sont vite oubliées, à mesure que le quotidien nous rattrape. J’ai quand même investi dans quelques ouvrages de ce type, pour vérifier que je n’ai rien raté et si, avec quelques idées glanées au fil des pages, je ne pourrais pas parfaire mon image. Car c’est quand même plus difficile dans un contexte de travail à distance d’aller discuter avec les métiers pour, dans certains cas, leur faire entendre raison sur leurs projets plus ou moins farfelus qu’ils veulent que nous gérions pour leur compte. Les ouvrages de développement personnel proposent ainsi plusieurs recommandations.

Sortez de votre zone de confort : en fait non, pourquoi ferait-on ça ? Si on y est, c’est pour de bonnes raisons. En revanche, que les autres sortent de leur zone de confort pour être plus intelligents, cela ne me pose aucun problème…

Optez pour la bienveillance : ça fait longtemps que j’essaie, mais ma patience a des limites. De quoi sortir de ma zone de confort pour aller remettre en place les utilisateurs casse-pieds, les métiers arrogants et les fournisseurs filous. En général, le stock de bienveillance n’est jamais suffisant pour tous.

N’anticipez plus les problèmes : il paraît que cela génère un stress inutile qui empêcherait de saisir les opportunités du présent. C’est un conseil que je ne recommande pas de suivre : si les DSI n’anticipent pas les problèmes, et nous en avons beaucoup, qui va le faire ? Et si nous n’anticipons pas, c’est sûr qu’en cas de problème, nous en serons tenus pour responsables.

Restez motivé : certes, mais reconnaissons que ce n’est pas facile quand on a affaire à des collaborateurs peu engagés et peu productifs, à des directions métiers qui nous prennent pour des larbins et des fournisseurs qui nous considèrent comme des tiroirs-caisses.

Tirez profit de vos échecs : pour une fois, voici un conseil tout à fait judicieux. Les DSI ne font que ça et ça s’appelle suivre les bonnes pratiques.

Protégez-vous des personnes toxiques : vaste programme ! J’ai déjà eu l’occasion, dans ces colonnes, d’expliquer comment gérer ceux qui sont toujours pessimistes, qui se plaignent tout le temps, qui rabaissent tout le monde, veulent tout contrôler et ne prennent aucune initiative. Et que l’on peut résumer par le principe suivant : « Pas de quartier, on tire dans le tas ! » Quant à « transformer nos conflits en dialogue constructif », autre conseil des gourous du développement personnel, c’est le même principe qui s’applique : « Pas de quartier, on tire dans le tas ! »

Adoptez un mode de vie sain : ce n’est plus un problème, maintenant que les invitations des fournisseurs à des cocktails, déjeuners et dîners gastronomiques ont disparu… On peut même pratiquer la sieste quotidienne, merci le travail à distance ! Ce n’est pas avec les apéros Zoom que l’on va grossir…

Écoutez votre intuition : ben, non, ce n’est pas une bonne idée ! Car mon intuition est que le métier de DSI aura probablement disparu dans pas si longtemps. A parcourir la littérature sur le sujet, il serait bien sûr « en voie de développement ». Mais comme les pays en voie de développement, qui le sont depuis des décennies et sont toujours aussi pauvres…

Portez un regard juste sur vous-même : cela ne me pose aucun problème ! J’ai essayé et trouvé que je suis le meilleur dans ma spécialité, que j’ai un pouvoir de persuasion extraordinaire, que mes expertises sont fabuleuses, que mes résultats sont excellents, que mes idées sont fantastiques, que mes présentations Powerpoint sont sublimes, que j’ai un caractère merveilleux, que mes capacités de travail sont surhumaines, que mon organisation est admirable, que la performance de mon système d’information est stupéfiante, que mon charisme est phénoménal, que…

Image par Gino Crescoli de Pixabay