Deux métiers d’avenir dans les DSI

Dans un précédent article, j’ai abordé la délicate question de la gestion des compétences, avec les métiers dont la DSI devrait être pourvue. Il y en a deux autres dont j’ai un besoin impératif mais dont je pressens qu’il ne serait pas « politiquement correct » d’exiger que la DRH me fournisse les compétences correspondantes. Ces deux métiers, à mon avis fort utiles, sont les suivants : exorciste de coût de possession et tueurs à gages d’applicatifs obsolètes.

Le premier a un rôle déterminant, celui « d’exorciser » les directions métiers, la direction financière et une bonne partie des équipes de la DSI de la sale habitude inculquée depuis plusieurs années : ramener tout à des chiffres et des retours sur investissement pour lesquels l’énergie dépensée serait mieux utilisée à fiabiliser la gestion de projets. Que l’on ne me fasse pas écrire ce que je n’ai pas dit : il faut s’intéresser au coût de possession de nos applicatifs, de nos serveurs ou de nos postes de travail. Il serait irresponsable de prôner le contraire. Certes, le fameux coût de possession est important, mais de là à en faire un dogme, je trouve qu’il y a des limites à ne pas franchir. Pour certains, possession est à considérer au sens premier du terme : ils sont vraiment possédés.

Que faire lorsque le démon du TCO s’est emparé de l’esprit de collaborateurs et de collègues par ailleurs plutôt intelligents mais qui deviennent subitement obtus ? Faire intervenir « l’exorciste du coût de possession ». Il viendrait dans les cas extrêmes. Lorsque le sujet ne parvient plus à entendre raison. Ne souriez pas… Et regardez bien autour de vous : à la prochaine réunion de projets, je suis prêt à parier que vous parviendrez à identifier le « possédé du coût de possession ». Allez, je vous aide… Il prononcera à un moment ou à un autre de la réunion les mots-clés suivants : Gartner, millions d’euros, retour sur investissement, rentabilité, directeur financier, ainsi que l’inévitable joker de ceux qui ne comprennent rien mais qui veulent faire semblant : « C’est plus compliqué que cela ». L’exorciste appliquera une méthode en trois points : d’abord, obliger le sujet à relire tout ce que le Gartner a écrit sur le sujet depuis quinze ans. Jusqu’à indigestion. En principe, le sujet arrivera à la conclusion que l’on en fait un peu trop. Si cela ne suffit pas, deuxième potion : la délivrance des maléfices par une soumission inconditionnelle aux « forces bénéfiques ». En clair, interdiction de prononcer le terme « coût de possession ». Si cela ne suffit toujours pas, il faut muter l’intéressé à la direction financière, son cas étant désespéré…

Le second métier incontournable pour les DSI, le « tueur à gages d’applicatifs », a un rôle de nettoyeur. Chez Moudelab & Flouze Industries, nous nous sommes aperçus que 12 % des applicatifs non seulement ne servaient à rien, mais que l’on était incapable de savoir qui avait demandé les développements et pour quel usage. Mais dès que l’on veut y toucher, c’est la levée de boucliers ! Il s’en trouve toujours un pour conseiller d’attendre, de faire un audit qui prendra des mois, voire de récupérer quelques lignes de code pour en faire un autre applicatif (quelle horreur, c’est l’impasse assurée…). Le tueur à gages interviendrait la nuit, à distance, via des portes ouvertes par son commanditaire. Il ne laisserait aucune trace et les applicatifs supprimés auraient été victimes d’un regrettable incident d’exploitation.

On me rétorquera qu’instiller des considérations paranormales et des méthodes mafieuses au sein de la DSI ne rime à rien. Et nos projets qui plantent pour des raisons que l’on ignore, n’est-ce pas du paranormal ? Des applicatifs qui fonctionnent on ne sait comment tant les développeurs ont travaillé en dépit du bon sens, n’est-ce pas non plus du paranormal ? Et parvenir à faire tourner un système d’information alors que nos budgets sont amputés de 20 à 30 %, n’est-ce pas du paranormal ? En tout cas, si cela n’en est pas, il y a quand même une bonne dose de miracle, ce qui revient au même. Quant aux méthodes mafieuses, elles existent aussi depuis longtemps : certains fournisseurs ne pratiquent-ils pas certaines formes de racket ? Le comportement de certains collaborateurs ne s’apparente-t-il pas à ceux des chefs de famille concentrant les pouvoirs et entourés d’hommes de main dévoués corps et âme ? Vous voyez, on retombe dans le paranormal