I have a (mauvais) dream

Le lieu était accueillant, avec des plantes vertes dans le hall d’entrée et des chambres lumineuses. Ce n’est que lorsque je suis sorti dans le couloir que j’ai senti qu’il y avait quelque chose d’anormal. Plusieurs personnes erraient en robe de chambre, certaines en marmonnant, d’autres en faisant des grimaces, d’autres encore poussant quelques cris pour le moins inattendus.

La première personne que j’ai croisée dans le couloir fortement éclairé par des néons, et qui me paraissait « normale», portait une blouse blanche. Moi qui étais en costume cravate, je n’avais pas le profil pour me trouver à cet endroit.
– Où suis-je ? demandai-je à celui qui m’a semblé être un médecin (il avait un stéthoscope autour du cou).
– Dans un établissement spécialisé pour le traitement des pathologies mentales liées aux technologies de l’information. Vous êtes à l’étage des DSI.
– Et qui sont ces gens ?
– Des DSI, bien évidemment, et nous les isolons des autres patients. Certains sont très atteints…
Avisant l’un des patients, je demande au digne représentant de la science :

– Et lui, de quoi est-il atteint ?
– D’une névrose d’angoisse, le patient est en permanence sur le qui-vive, il est hyperémotif, et son existence est caractérisée par un sentiment d’appréhension et d’insécurité.
Encore un qui a externalisé son système d’information, pensai-je…
– Et celui-ci ?
– Névrose phobique, tranche-t-il. Il ne supporte pas les pensées floues ou les sentiments ambigus.
Encore un qui fait une fixation sur les référentiels, pensai-je…
– Lui, c’est un névrosé hystérique, il exprime une demande affective intense auprès des autres, certains événements suffisamment traumatisants ont été en partie refoulés, entraînant des troubles de la mémoire.
Encore un qui a raté un grand projet, qui ne s’en souvient plus, mais qui cherche à se faire pardonner auprès des directions métiers, pensai-je…
– Celui-ci est atteint d’une névrose obsessionnelle, il éprouve beaucoup de difficultés à prendre des décisions, il a besoin de tout réglementer et de tout compter, il est strict et avare, préoccupé par les détails, l’ordre, l’organisation.
Encore un qui est chapeauté par un DAF, pensai-je…
– Quant au grand qui marche de long en large, il souffre de bouffées délirantes aiguës, il a des nombreuses hallucinations.
Encore un qui s’est converti à l’Open Source, pensai-je
– Le schizophrène que vous apercevez là-bas est souvent tendu, tend à se replier sur lui-même, montre un désintérêt pour le monde extérieur, avec également des comportements étranges et compulsifs, des crises de fou rire ou des excentricités.
Encore un que l’alignement IT-métiers laisse indifférent, pensai-je.
– L’autre, à côté, est un DSI paranoïaque, il souffre d’une hypertrophie du moi et d’une fausseté du jugement.
Encore un qui se prend pour un super-CIO et futur directeur général, pensai-je.
– Quant au dernier, m’indiqua le médecin, il souffre d’une psychose hallucinatoire chronique : il entend des voix et le sujet exprime sans cesse ses idées, il est intarissable.
Encore un qui a trop écouté son cabinet de conseil et qui a dû voir un ROI qui n’existait pas, pensai-je.
– Et vous les soignez ? demandai-je.
– Oui, avec des anxiolytiques à l’ERP, des hypnotiques au CRM, des neuroleptiques CMMi, des psychoanaleptiques CobiT et des psychodysleptiques fortement dosés à l’Itil. Tous ingurgitent évidemment des antidépresseurs Open Source.
C’est au moment où le médecin s’enquérait de ma propre santé mentale que je suis réveillé. Ouf, ce n’était qu’un (mauvais) rêve ! L’hôpital psychiatrique pour DSI n’existe pas. Du moins il me semble…