J’aime mon SI, et alors ?

Mes chers collègues, nous sommes sauvés et l’avenir est plein d’espoir ! Je sais, cet article commence comme un discours politique. Mais c’est dans l’air du temps…

Pourquoi sommes-nous sauvés ? Parce que nos hommes politiques nous ont enfin montré la voie pour nous défendre face à tous les prédateurs qui, un jour ou l’autre, voudront notre peau, qu’il s’agisse des DG, des DAF, des fournisseurs, des CDO ou de tous ceux qui sont persuadés que l’on ne sert à rien.

Comment faire ? C’est simple, il suffit de s’approprier les éléments de langage qui ont été abondamment utilisés ces dernières semaines. Je vous propose treize formules qui, je vous l’assure les yeux dans les yeux, vous porteront bonheur. Vous pouvez y avoir recours pour vous sortir de n’importe quelle situation, votre interlocuteur sera tellement déstabilisé qu’il vous fichera une paix royale. Ces principes sont à la base de la méthode PENELOPE (Pour Enfin Nier Élégamment Les Objections Particulièrement Éprouvantes).

« Imagine-t-on le DSI du général De Gaulle mis en cause ? » Un grand classique, tout le monde utilise cette référence, que personne ne peut contester sans s’attirer des regards suspicieux, pourquoi pas les DSI ?

« Et alors ? » Cette réponse oblige votre interlocuteur à trouver des arguments solides, que généralement il n’a pas. S’il en a, passez à la phrase suivante.

« La justice (ou le DG, le DAF…) reconnaîtra mon innocence. » Avec une telle formule, vous gagnerez du temps et avez une chance que l’on oublie ce que vous avez fait…

« J’aime mon SI. » Cette affirmation met fin à toute critique visant à faire douter de votre profonde motivation et de votre engagement en faveur de votre entreprise.

« Je ne suis au courant de rien. » Pratique, vous évitez que ce que vous pourrez dire se retourne contre vous, à côté de vous, devant vous et derrière vous… Si vous êtes au courant, pensez quand même à effacer toutes les traces.

« Mes collaborateurs ont vraiment travaillé, je vous l’assure. » Si certains soupçonnent fortement que vos collaborateurs se la coulent douce à la DSI, à la limite des emplois fictifs, il faut les détromper rapidement. Même si c’est vrai, vous trouverez toujours des missions plus ou moins sérieuses pour justifier la réalité du travail effectué, par exemple quelques notes de lecture sur le dernier ouvrage concernant DevOps, les méthodes agiles ou la gestion de projet… Si nécessaire, fabriquez de faux cahiers des charges et compte-rendus de réunions de comité de pilotage.

« La saison des boules puantes est ouverte. » Avec une telle formule, récurrente dans le monde politique, vous vous positionnerez en victime, transformant vos ennemis en abominables jaloux qui n’ont jamais rien réussi. Alors que vous, bien sûr…

« Je ne me rendrai pas à la convocation du DAF (ou du Codir). » Si vous avez un peu arrangé votre budget et que les contrôleurs de gestion ont des doutes, voire des indices concordants, ne vous jetez pas dans la gueule du loup.

« Ce n’est peut-être pas moral, mais c’est légal. » Si vous passez votre temps à vous empiffrer à des petits déjeuners, dîners et autres « conférences », proposés par les fournisseurs pendant que vos collègues travaillent ou sont coincés dans des réunions sans intérêt, rappelez que rien ne l’interdit.

« Je ne me retirerai pas et j’irai jusqu’au bout. » Cette formule affirmera votre détermination et la justesse de votre stratégie.

« C’est le simple cadeau d’un ami, totalement désintéressé mais dont je ne peux révéler le nom. » Un fournisseur vous a invité à un voyage aux États-Unis tous frais payés, en échange d’un bon de commande ? Rien d’illégal… Sauf dans le secteur public. Mais certains DSI y sont toujours en poste malgré tout. Puisque tout le monde se laisse tenter, tout va donc pour le mieux, gardez le moral, à défaut de la morale !

« Mes enfants m’ont remboursé. » Si, comme la plupart de vos collègues, vous avez accueilli vos enfants pour des stages, en leur recommandant surtout de ne toucher à rien et de se contenter de servir le café à vos développeurs, expliquez que tout est arrangé puisqu’ils vous ont remboursé l’indemnité de stage. Surtout si celle-ci est dix fois plus élevée que le minimum syndical !

« Si je suis mis en cause, je ne me présenterai pas au Codir. » Vous pouvez toujours faire des promesses et ne pas les tenir. Cherchez bien : parmi vos collègues, il y en a certainement plus d’un qui a procédé de cette manière. Et si c’est votre DG, n’ayez plus aucun remord à affirmer une chose et à faire le contraire.