Les bambins du numérique

On dit toujours que les jeunes, sur la question du numérique, sont bien plus doués que nous, les seniors. C’est sûrement vrai. Mais une question me taraude : à partir de quel âge s’opère la bascule ? Autrement dit, est-on dépassé par des jeunes de vingt ans, de quinze, de dix, voire moins ?

J’ai voulu tenter l’expérience. J’ai donc réuni trois ingrédients pour cette exploration scientifique : un jeune (Clément, âgé de huit ans), un sujet très tendance en ce moment (l’intelligence artificielle) et une liste de questions que n’importe quel manager d’entreprise se pose. Je vous conseille d’aller jusqu’au bout de cet article…

Je vous livre ci-après le résultat de cette expérience unique au monde.

Moi : L’intelligence artificielle arrive-t-elle dans les entreprises ?
Clément : L’intelligence artificielle est entrée dans l’ère industrielle. Aujourd’hui, les puissances de calcul et de stockage sont disponibles pour traiter les milliards de données qui existent.

Moi : L’intelligence artificielle est-elle une potion magique ?
Clément : Elle n’a rien à voir avec la magie, contrairement à ce que font croire certains acteurs.

Moi : Est-elle uniquement un défi technologique ?
Clément : L’intelligence artificielle est un enjeu managérial avant tout.

Moi : Les membres du comité exécutif sont-ils sensibilisés à ces enjeux ?
Clément : Les membres d’un comité exécutif se disent souvent qu’ils doivent faire quelque chose. Mais cela ne suffit pas pour bâtir une stratégie.

Moi : Les dirigeants ont-ils un rôle à jouer ?
Clément : Leur rôle est moteur.

Moi : Le comité exécutif doit-il suivre le projet dès son démarrage ?
Clément : Un ou deux membres du comité exécutif doivent être convaincus qu’il faut lancer des projets importants.

Moi : Et le DRH ? Pourquoi le DRH ?
Clément : Le DRH joue un rôle essentiel. Réussir un projet exige de mobiliser les bonnes personnes. Mais un responsable préfère garder ses meilleurs éléments.

Moi : Comment constituer une équipe pour construire des algorithmes ?
Clément : Les algorithmes exigent de faire appel à des équipes pluridisciplinaires.

Moi : Est-ce rentable d’investir dans l’IA ?
Clément : L’entreprise gagne de l’argent quand elle concentre ses efforts sur un ou deux sujets à fort potentiel.

Moi : Quel est l’argument pour convaincre un comité exécutif ?
Clément : Il est convaincu quand il comprend que l’IA permet de créer de la valeur et que les enjeux se comptent en dizaines ou en centaines de millions d’euros.

Moi : Pourquoi les enjeux doivent-ils être de plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros ?
Clément : Il s’agit de focaliser l’effort sur ce qui va vraiment rapporter.

Moi : Un projet remet-il en cause les équilibres de l’entreprise ?
Clément : Il bouscule les organisations.

Moi : Les managers sont-ils capables de changer leurs méthodes de travail ?
Clément : L’entreprise doit faire preuve de créativité managériale pour décloisonner les divisions. Des managers doivent travailler ensemble.

Moi : Facebook, qui gagne de l’argent en utilisant les données des consommateurs, est au cœur de plusieurs scandales. D’autres affaires vont-elles éclater ?
Clément : Facebook est révélateur d’un mouvement qui va se développer.

Maintenant que vous êtes allés au bout de cet article, et que vous vous dites que, finalement, ces réponses n’ont guère d’intérêt et que vous n’avez rien appris, je peux vous révéler la vérité : les questions et les réponses sont extraites de l’interview (authentique) dans un grand quotidien français, du vice-président d’un cabinet de conseil en stratégie mondialement connu. Et dont on taira le nom par pure charité numérique…

Quelle misère ! Mes amis ! Nous avons raté notre vocation : nous pourrions gagner cinq fois plus, en travaillant deux fois moins, simplement en proférant des banalités que l’on vendrait 5 000 euros la journée (hors taxes bien sûr…).