Les SDF au secours des DSI

Il existe une catégorie d’individus vraiment impressionnants. Vous l’aurez deviné, je ne fais absolument pas référence à nos chers dirigeants, à nos collègues des directions métiers, et encore moins à nos (très chers) fournisseurs. Je pense plutôt à des personnes rejetées, par la plupart, qui errent sans savoir où aller, ne savent plus qui elles sont, n’ont aucun projet d’avenir et subsistent avec des budgets de misère.

Non, je ne fais pas non plus référence aux DSI… Mais à des personnes qui ont un don, celui d’expliquer en quelques dizaines de secondes une problématique : les SDF. Entre deux stations de métro, ils doivent convaincre un auditoire indifférent de mettre la main au portefeuille.

Tous les ingrédients y sont : l’exposé d’une situation dramatique à l’issue aléatoire, une voix qui porte pour que tout le monde comprenne bien le propos, une solution pour sortir de la difficulté et un plan d’action qui, même s’il se résume à un seul item (« Donnez-moi un euro, s’il voooouuuussss plllaaaaiiitt »), conclut le propos. Il n’y a que le look qui peut laisser à désirer, enfin façon de parler…

On a bien besoin de ce type de compétences dans nos DSI. J’ai d’ailleurs décidé de faire appel à l’un d’entre eux pour former mes collaborateurs, ainsi que tous les responsables de maîtrise d’ouvrage et nos prestataires externes. Bon, j’avoue que cela n’a pas été facile de sélectionner et de faire venir un SDF dans nos locaux pour expliquer comment il réalise la prouesse d’expliquer un problème en moins de deux minutes sans oublier l’essentiel ! En plus, j’ai dû dégager un budget « vêtement-bains-douches-coiffeur » qui a fait tiquer notre DAF.

J’ai identifié au moins quatre cas pour lesquels on a besoin des compétences d’un spécialiste de la synthèse. D’abord, pour les présentations au comité de direction. Vous avez certainement remarqué que les membres du Codir ont l’habitude de s’irriter dès qu’un sujet les mobilise, d’où l’intérêt de concentrer un maximum d’informations en un minimum de temps. Apprendre la technique SDF m’a été très utile pour être entendu et compris. Ensuite, on peut utiliser l’expertise d’un SDF pour obliger les directions métiers à expliquer le plus simplement possible pourquoi elles veulent faire tel ou tel projet. Et non pas à nous embrouiller avec des considérations vaseuses sur les « faudrait faire ci, ou plutôt ça, à moins qu’autre chose soit encore mieux, on verra bien selon l’évolution des besoins » ou avec des listes de fonctionnalités dont on sait que les trois-quarts ne seront jamais utilisés.

Autre cas utile : pour les collaborateurs de la DSI qui me prennent du temps pour des problèmes qu’ils pourraient gérer eux-mêmes. C’est l’inconvénient de laisser la porte ouverte, ça attire aussi les sujets parasites… Désormais, je leur impose de m’exposer le sujet en moins de deux minutes chrono ! Au-delà, je n’écoute plus…

Enfin, les consultants qui travaillent pour nous sont aussi concernés. Nous en avons plusieurs dizaines et ils ne se privent pas, en effet, d’essayer de nous vendre des missions supplémentaires, de nous suggérer des idées qui vont plomber nos budgets ou de vouloir nous faire réinvestir dans des projets qui sont déjà terminés. Le plus souvent, leurs arguments sont entassés sur d’interminables séries de slides, dans lesquels on a du mal à discerner d’emblée l’essentiel de l’accessoire, voire du carrément inutile.

A l’heure où tous les experts de la communication ne parlent que du storytelling pour faire passer leurs idées, il faut faire appel à des spécialistes. Non pas ceux des agences de pub, ni aux gourous de la communication, mais à ceux qui arpentent le terrain : les SDF, ou Storytellers de Finalité, qui vont droit au but.