Psychopathes : nous sommes cernés !

Nos DG seraient-ils complètement cinglés ? J’ai lu, dans une étude publiée par l’Australian Psychology Society (c’est du sérieux…), que des chercheurs ont noté une surreprésentation des psychopathes parmi la population des dirigeants : après analyse des profils de 261 dirigeants américains, un sur cinq serait à ranger dans la catégorie des psychopathes, contre un sur cent en moyenne dans la population.

On sait aussi qu’il existe certaines similitudes entre les caractéristiques des psychopathes et celles des créateurs de start-up : la volonté de dominer, un égo surdimensionné, une certaine sympathie, voire un charisme, l’audace et un manque d’émotions.

Comme si cela ne suffisait pas, les tendances psychopathes seraient aussi répandues chez les managers : dans une étude de l’European Association of Personality Psychology, parue en 2013 et portant sur 11 862 managers exerçant dans divers secteurs d’activité, les auteurs observent que 20 à 25% de ces managers présentent au moins une tendance dysfonctionnelle, et 10 à 15 % deux tendances dysfonctionnelles ou plus.

C’est à tel point que des éditeurs de logiciels se sont lancés sur le créneau et proposent des solutions pour identifier les « tendances dysfonctionnelles de la personnalité ». J’ai testé l’une de ces solutions (celle de ECPA-Pearson) qui propose d’en détecter douze, à partir d’un questionnaire. Manque de chance, j’ai les douze dans mes équipes et c’est la même désolation chez mes collègues des métiers… Vous en avez sûrement aussi parmi vos collègues :

  • « Le vigilant méfiant » : c’est le fou furieux de la sécurité, si on l’écoutait, notre DSI se transformerait vite en NSA.
  • « L’introverti distant » : c’est l’un de ceux qui sont réticents à participer aux quelques festivités que nous avons encore le droit d’organiser. Tout juste s’il accepte un verre de jus de fruits lors des pots de départ ou de fin de projet.
  • « L’original bizarre » : il passe son temps à essayer de trouver des innovations qui ne serviront à rien, mais au moins, il n’est pas méchant. Juste asocial…
  • « L’anticonformiste impulsif » : c’est le râleur type contre les méchants fournisseurs ; s’il était DSI, il interdirait à tout le monde d’utiliser Google, Microsoft, Linkedin et Facebook…
  • « L’affectif inconstant » : il est épuisant, car il faut sans cesse le rassurer sur son talent (qu’il n’a souvent pas…), ses capacités (pas toujours toutes disponibles en simultané, ni en replay) et son avenir (plutôt brumeux…).
  • « L’expressif théâtral » : c’est, en général, celui dont on dit qu’il parle beaucoup pour ne rien dire, mais qui a du mal à se mettre au travail… en silence !
  • « Le confiant en soi égocentrique » : c’est le roi de la rédaction du cahier des charges, qu’il considère comme des œuvres d’art dignes du prix Conssgourt.
  • « Le prudent timide » : c’est celui qui, si on l’écoute, quadruplerait la durée des projets pour être certain qu’il ne manque rien. Ne lui parlez jamais de Test & Learn, ça le déprimerait en moins de temps qu’il n’en faut à une start-up pour dilapider les fonds de ses investisseurs.
  • « Le docile dépendant » : on aimerait en avoir plus comme lui. Quoique… c’est quand même énervant de passer son temps à lui dire ce qu’il doit faire.
  • « Le perfectionniste méticuleux » : il est généralement considéré comme le casse-pied de service. Hélas, il opère en 7/7-24/24…
  • « L’indépendant susceptible » : c’est celui à qui l’on envoie jamais un e-mail sans l’avoir relu trois fois pour vérifier que tout est politiquement correct, sous peine de crise diplomatico-existentielle.
  • « Le pessimiste dépressif » : plus âgé que la moyenne, il regrette en permanence de s’être coltiné des mainframes et du Cobol au lieu de technos plus modernes. Il est d’autant plus dépressif que ses enfants en savent plus que lui sur le numérique. Quand ça veut pas…

Entre la probabilité d’avoir un DG vraiment psychopathe (une sur cinq) et la certitude de côtoyer des collègues présentant plusieurs « tendances dysfonctionnelles de la personnalité » plus ou moins graves, nous sommes bien mal accompagnés pour exercer sereinement notre métier. À moins que nous en soyons nous-mêmes atteints ! Je vais faire moi-même le test pour vérifier que tout va bien…

Image par Gordon Johnson de Pixabay