Question de langage

Ah ! Nos chers fournisseurs qui nous parlent d’innovation, d’entreprise numérique, de DSI comme les leaders d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain !

Il semble que la plupart d’entre eux n’appliquent guère ces préceptes, au demeurant fort valorisants pour notre humble métier. J’ai ainsi reçu un document d’EMC dans lequel ce qui est considéré comme l’actif le plus stratégique, en l’occurrence le système d’information, est ravalé au rang de « département informatique ». Bref, la loose complète pour le DSI d’EMC, que je ne connais pas, mais qui a bien du courage…

Travailler dans une entreprise « leader » pour équiper les systèmes d’information les plus modernes des entreprises les plus innovantes, dans le monde entier, avec des clients au top dans leur organisation et, dans le même temps, expliquer dans les barbecues de la côte Est (siège social d’EMC Corp.) qu’il travaille dans un « département informatique », qui plus est celui d’un constructeur, ça lui donnera l’occasion d’aller se resservir une bière tiède pour noyer son chagrin…
Pire, ce « département informatique » est considéré comme « le pionnier de la transformation ». Que l’on se rassure : cette « transformation » est seulement informatique, pas « digitale », selon le terme consacré. Qu’est-ce que ça serait si l’on parlait de système d’information et d’entreprise numérique ! On espère qu’en tant que pionnier de la transformation, le DSI d’EMC siège à côté du patron au board, il le mérite. Surtout, comme le précise le document, qu’il a économisé, depuis 2004, pas moins de 157 millions de dollars en Capex et 66 millions de dollars en Opex.

C’était probablement plus facile pour lui, car on peut espérer que son employeur lui a octroyé des remises substantielles sur les solutions d’EMC et de VMware. En neuf ans, notre chef du « département informatique » a ainsi fait économiser pas moins de deux millions de dollars par mois à son patron. Pas mal pour un chef de « département informatique ». J’en connais qui, avec de tels montants de réductions de coûts, pourraient parader dans les couloirs de la direction générale avec un tee-shirt de super-héros et renégocier à la hausse leur rémunération…

Je l’ai lu dans la rubrique « Innovation et leadership » (si, si, ça existe…) du site Web d’EMC France : le slogan du Tour de France d’EMC est Redefine IT. Le DSI d’EMC devrait y faire un tour et plaider pour que l’on commence à le considérer comme autre chose que le responsable d’un « département informatique », dont les bureaux sont, peut-être, situés entre le local des services généraux, le standard et l’entrée de la cantine.

Bon d’accord, je vous l’accorde : le document en question date de 2013 (comme quoi les fournisseurs nous refilent des contenus périmés en nous faisant croire que ça vient de sortir) et on peut espérer que, depuis, il a progressé. Bon, d’accord, je vous l’accorde aussi : le document en question a été rédigé par un cabinet d’analystes américains dont les consultants ont peut-être un vocabulaire limité.

Mais, à la place d’EMC, je me méfierait pour l’avenir : l’adresse du cabinet d’analystes en question (ESG, pour Entreprise Strategy Group) est au 20 Asylum Street, à Milford dans le Massachussetts. Quand on confie la rédaction de ses contenus à des types qui travaillent « rue de l’Asile », faut pas s’étonner…

On ne devrait quand même pas se moquer : l’adresse de Best Practices Systèmes d’Information, honorable publication pour laquelle j’écris, depuis sept ans, dans chaque numéro (147 au compteur, je vais bientôt pouvoir publier mes œuvres complètes…) est rue de la Croix-Rouge.

Je vous le dis : on vit dans un monde de dingues !