Rien ne vaut une bonne daube

Avec le temps pourri que nous avons connu ces dernières semaines (je ne parle pas de l’ambiance dans l’entreprise, mais de la météo…), il faut bien se réconforter. Et pour cela, il n’y a rien de telle qu’une bonne daube, comme disait ma grand-mère. La recette est simple et, finalement, elle présente bien des similitudes avec les principes de la gestion de projet.

– Le matin de bonne heure (ou mieux, la veille si possible), détailler la viande en gros cubes de deux centimètres de côté environ. Ça s’appelle détailler le cahier des charges avec des fonctionnalités (pas plus de deux centimètres d’épaisseur par fonctionnalité)…

– Couper l’oignon en deux et y planter les clous de girofles. On peut toutefois se passer des oignons, tellement certains cahiers des charges sont à pleurer…

– Placer le tout dans un grand saladier avec le bouquet garni et les grains de poivre. Recouvrir avec le vin rouge. Ça s’appelle « étudier les besoins de la direction métier en les recouvrant d’une bonne sauce techno ».

– Ajouter de l’eau pour que toute la viande soit recouverte si besoin. En cuisine comme en matière de gestion de projet, il faut en effet toujours en rajouter un peu…

– Laisser ainsi au moins trois heures. Ça s’appelle « l’effet tunnel », période pendant laquelle il ne se passe rien…

– Émincer les échalotes finement. Il faut toujours faire pleurer plus que nécessaire. La DSI manque vraiment de moyens…

– Égoutter la viande, la mettre dans un autre récipient. L’éponger grossièrement avec du papier absorbant. La DSI va éliminer tout ce qui ne sert à rien dans le cahier des charges… ou plus précisément ce qu’elle n’a pas envie de faire…

– Dans une cocotte en fonte à fond épais, faire revenir les cubes de bœuf dans un peu d’huile. Ils vont rendre pas mal de liquide. C’est l’étape où la DSI demande une rallonge budgétaire pour finir le travail.

– Attendre quelques minutes puis, avec une écumoire, retirer la viande et récupérer le vin perdu dans la cocotte par la viande et l’ajouter à celui de la marinade. Toujours penser à réutiliser les bons morceaux pour une autre application. C’est toujours ça de pris…

– Remettre deux cuillères à soupe d’huile dans la cocotte et la viande. Comme les utilisateurs vont râler, huiler les relations sera toujours utile.

– Faire cuire les morceaux de tous les côtés, saler et poivrer. Retirer de nouveau les cubes de bœuf, réserver. Deuxième effet tunnel, il ne faut pas que les utilisateurs s’habituent à avoir tout et tout de suite. Il faut toujours les faire mijoter…

– Ajouter une cuillerée d’huile puis les échalotes dans la cocotte. Les faire rissoler jusqu’à ce qu’elles deviennent translucides puis saupoudrer avec la farine. Faire cuire ainsi quelques minutes. Ne jamais oublier de rouler dans la farine, c’est la base du management, qu’il soit culinaire ou pas…

– Mouiller ensuite avec le vin de la marinade en prenant soin de le passer à travers un chinois. Ajouter les cubes de bouillon. Remettez ensuite la viande dans la cocotte. À la place du Chinois, on peut bien sûr préférer un Indien, l’essentiel est que l’offshore soit cuit à point…

– Peler et couper les carottes en fines rondelles. Les ajouter dans la cocotte. Laisser ainsi mijoter à feu moyen et à couvert au moins une heure. Ça s’appelle paramétrer la recette pour qu’elle soit meilleure. On évitera de trop chauffer, car comme disait le Top Chef philosophe Sun Tzu : « C’est quand les carottes sont cuites que l’on reconnait la vraie daube. » Et il ne parlait pas de cuisine…

Lorsque vos directions métiers vous diront que le projet mené par la DSI est « une vraie daube », vous pourrez leur rétorquer que vous avez suivi scrupuleusement la recette. Si cette chronique techno-culinaire ne vous a absolument pas intéressé, ne vous plaignez pas, vous repartez avec la recette de la daube. La vraie…