Sauvons la SPA (Société Protectrice des Applications)

Chaque année, nous avons droit aux reportages télé sur l’abandon de nos amies les bêtes (on parle ici des animaux, pas de nos développeurs) à l’occasion des vagues de départs en vacances. C’est bien sûr dramatique pour ces attendrissants partenaires de vie (on parle encore des animaux, pas des contrôleurs de gestion), livrés à eux-mêmes au bord des routes. ça l’est aussi pour ceux qui auront à s’en occuper (on parle toujours des animaux, pas des commerciaux avant-vente des éditeurs).

Mais, imaginons un instant que cette méthode de délestage de nos amis les bêtes (de vrais animaux, pas de consultants achetés au kilo) soit appliquée à nos systèmes d’information. Ce serait finalement très pratique ! Tous les ans, lorsque l’été arriverait et que nos utilisateurs penseraient davantage à leurs vacances qu’à leur projet IT, on se débarrasserait de quelques applications : celles qui consomment trop, celles qui sont trop faméliques pour passer l’hiver, celles qui sont bancales, celles qui font aboyer les utilisateurs à chaque fois que le niveau de disponibilité donne des signes de faiblesse, celle qui sont un peu trop poilues en interfaces…

À chaque rentrée, nous aurions ainsi un système d’information nettoyé. Ni vu, ni connu, nos applications en surnombre seraient laissées sur la bande d’arrêt d’urgence des autoroutes de l’information ! Que deviendraient ces applications abandonnées ? Nous pourrions les confier à la SPA, la Société protectrice des applications, qui se chargerait alors de leur trouver un nouveau foyer : des PME sans le sou, des associations nécessiteuses, des intégrateurs rois de la récup revendue dix fois son prix, des geeks amateurs de bel ouvrage vintage, voire des collectionneurs pour les générations futures…

La SPA passerait des annonces du type : « Adorable petite application fluette (seulement 15 kilos de lignes de code), avec interfaces vermifugées, couleur bleu IBM, stérilisée contre l’Open Source par son ancien propriétaire, très joueuse parfois dans ses fonctionnalités, vaccinée contre les utilisateurs irascibles, se désespère de trouver un nouveau maître DSI et une vraie famille de chefs de projet qui lui prodigueront affection et maintenance de bons sentiments. Se nourrissant de seulement quelques patchs par mois, elle est très économique à l’entretien et très propre, l’essentiel de ses besoins fonctionnels ayant déjà été intégrés. »

Pour nous, DSI, avoir recours aux services de la SPA présenterait l’énorme avantage de pouvoir nous débarrasser des applications de type « pitbull » (celles que l’on ne doit pas toucher sous peine de voir des utilisateurs venir hurler dans notre bureau), celles qui bavent des flots de maintenance qui coûtent très cher en liquidités, celles qui n’arrêtent pas de laisser traîner leurs besoins fonctionnels dans les piles de cahiers des charges, ou encore celles qui laissent des poils partout (Proposition d’Optimisation Informatique Largement Surtarifée).

En attendant qu’une SPA voie le jour, je propose que l’on s’équipe, en interne, d’un nécessaire lui aussi bien utile : une seringue à anesthésier les applications. Comme pour nos amies les bêtes (oui, on parle ici encore et toujours des animaux, pas des membres de votre comité de direction) qu’il faut piquer dès lors qu’il n’y a plus d’espoir, il faudrait aussi pouvoir euthanasier nos applications sitôt qu’il n’y a plus l’espérance qu’elles évoluent pour se moderniser… Il restera juste à gérer les mouvements d’utilisateurs anti-euthanasie qui argueront qu’une application informatique a toujours une âme. À la limite, tant mieux : on pourra toujours leur faire croire qu’il y a un paradis pour nos applications et que leur âme repose en paix. Et nous aussi, nous aurons la paix, par la même occasion…