La nouvelle année commence et revoilà la saison des invitations à des événements et des conférences que, comme vous, je reçois par dizaine chaque semaine. Certains sont intéressants, d’autres moins, on ne le sait pas à l’avance.
Mais, quel que soit l’intérêt d’un événement ou d’une conférence, on retrouve quasiment les mêmes expressions employées par les organisateurs ou par les intervenants. Elles sont toujours aussi irritantes pour les participants et trahissent souvent une certaine hypocrisie de la part de ceux qui les utilisent, car la plupart des intervenants n’ont pas lu les excellents conseils de Chris Anderson dans son ouvrage sur l’art et la manière de parler en public et de captiver son auditoire (lire page 11 dans ce numéro).
Au fil des conférences et des événements auxquels j’ai assisté, j’ai noté quelques points agaçants, ainsi que les réponses que l’on pourrait leur apporter, mais que le savoir-vivre et un minimum de politesse nous empêchent de formuler.
- « J’en passe et des meilleures » : celui qui place cette phrase dans son discours a l’air de dire « J’ai plein d’infos super intéressantes et d’exemples à vous citer, mais je les garde pour plus tard ou un autre public, vous n’êtes vraiment pas dignes de les connaître. » On préférerait qu’il nous dise : « J’ai d’autres exemples, mais comme ils n’ont aucun intérêt, je les garde pour moi. »
- « Pour ne pas le citer » : ce tic de langage est équivalent au « J’dis ça, j’dis rien », que l’on retrouve beaucoup dans nos organisations. C’est un peu frustrant et souvent le signe de celui qui ne sait rien et qui veut en savoir plus, en espérant que les autres vont l’aider en laissant échapper de bonnes infos qu’il n’a pas. Je ne sais pas ce qu’en pensent les psychiatres, mais le fait de ne pas citer quelqu’un tout en le citant doit relever d’un certain état de confusion mentale.
- « Merci pour cette excellente question » : soit c’est la question basique qu’on lui pose tout le temps (et il est probable qu’il a déjà la réponse, il est donc très content parce qu’il a tout préparé et que cela mettra en valeur son « expertise »), soit l’intervenant se dit : « Bon, le participant relou qui pose la question débile du jour, c’est donc lui… »
- « On attend les retardataires » : Non, non et non ! Pourquoi devrait-on attendre ceux qui ne savent pas gérer leur agenda ni anticiper leur temps de transport ?
- « Mon client est une banque avec un logo vert, mais je ne peux pas la citer » : ben voyons, tout le monde l’a reconnue ! C’est comme les logos représentant un crocodile sur les polos et qui sont floutés à la télévision. Tout le monde sait de qui il s’agit. Pourquoi ne pas le dire ?
- « Je suis ravi(e) d’être parmi vous ». Soit l’intervenant est très bien payé et on comprend qu’il soit ravi d’être là, il est donc d’une admirable sincérité ; soit il est bénévole et veut faire bonne figure. Comme les chanteurs qui s’entraînent à prononcer « Bonsoooôôôir Paris ! » sans trop d’accent à chaque fois qu’ils font un concert dans la capitale.
- « Il reste des places devant ou au milieu ». Rien de plus énervant que d’entendre une hôtesse prononcer cette phrase. Il en reste, et alors ? Je suis un fervent partisan de la discrimination implacable et de l’application d’un principe strict sur lequel on ne doit pas transiger : celui qui arrive à l’avance, ou à l’heure, a le droit absolu de choisir la meilleure place, souvent celle en bout de rangée, histoire de pouvoir s’échapper si l’intervenant est soporifique. Que ceux qui arrivent en retard assument le fait de faire lever tous ceux qui sont déjà installés ! On apprend bien les bonnes manières à des chimpanzés, pourquoi pas à un public de conférence ?
- « C’est un changement de pattern dans le paradigme ». Dans la seconde qui suit une telle expression, c’est certain, au moins la moitié du public décroche, l’autre moitié cherchant à tout prix à savoir ce que l’intervenant a bien voulu dire… Et décroche dans les dix secondes suivantes.
- « Pour être honnête et transparent ». Cette expression annonce une embrouille, à l’image d’un ministre n’avouant pas avoir de compte bancaire en Suisse. On ne voit pas pourquoi un intervenant deviendrait honnête et transparent face à un public d’inconnus. C’est vrai qu’on imagine mal quelqu’un affirmer qu’il va être malhonnête et opaque. Même si certains le sont de manière naturelle dans leurs propos.
- « Nous avons pris du retard ». Vous allez voir que ça va être de notre faute ! Les retards sont dus à trois causes principales : l’intervenant est un bavard et l’organisateur ne le sait pas, il est tellement intéressant (ou confus) que beaucoup de questions sont posées, ou l’organisateur n’a pas fait son boulot en amont, étant trop optimiste quant à la capacité de ses équipes à prévoir les dérapages temporels. On est tenté de répondre : « Certes on a du retard, mais, toi, organisateur, qu’as-tu fais pour le réduire ? Rien ? Alors ne vient pas te plaindre… »