Vous connaissez probablement l’émission de télé « Cauchemar en cuisine », adaptation française de l’émission britannique Ramsay’s Kitchen Nightmares. Le principe est simple : un chef cuisinier, tendance caractériel-grande-gueule (rassurez-vous on n’en trouve que dans ce milieu), vient aider des restaurateurs qui ne s’en sortent plus et qui sont proches de la faillite.
Comme dans toute bonne émission de télé-réalité, l’histoire finit généralement bien : le restaurant est remis à flot, par exemple avec un changement de décor, un bon coup de nettoyage du frigo, un renouvellement de sa carte, une redéfinition des responsabilités entre les membres de l’équipe, ou un changement de positionnement…
C’est dommage qu’il n’existe pas une telle émission pour s’intéresser à la gestion de nos projets systèmes d’information. On imagine déjà la bande-annonce sur une chaîne de la TNT (Tentation Nettoyage Technologique) : « Le DSI ne s’en sort plus…. Trop de projets à la carte… Des clients irrascibles… Une équipe de collaborateurs démotivés… Un budget asséché par des erreurs de débutants… Un environnement qui favorise la déprime plutôt que la créativité… Parviendra-t-il à remonter la pente ? Oui, grâce à l’intervention salutaire de super-DSI ! »
Bien sûr, il est relativement difficile d’imaginer qu’une telle situation se présente dans les entreprises. Mais quand même… J’aimerais m’inscrire parmi les premiers volontaires si une telle émission voyait le jour en France. Ainsi, on verrait arriver dans nos locaux un DSI de choc, dont la première action serait de faire le tour des bureaux. Oh, bien sûr, il ne verrait pas grand-chose, tout au plus des collaborateurs affairés, des écrans et des dossiers partout, des panneaux couverts de Post-it sur les murs, des gobelets de café qui traînent, des piles de numéros de Best Practices, quelques réunions en cours… Rien que du très normal pour une DSI.
Mais, au bout d’un mois, il aura une vision assez précise de la réalité, celle des arrière-cuisines de la DSI. Il sera capable de dresser un diagnostic de la situation qui a conduit le DSI à faire appel à ses services. Par exemple, il disposera de la cartographie complète des règlements de comptes dans l’équipe, des tire-au-flanc qui ralentissent tout le monde, des bras-cassés qui, malgré tout, se prennent pour des stars, ou des caractériels dont il faut amputer l’égo avant qu’ils ne pourrissent l’ambiance… Il identifiera aussi les raisons de l’échec des projets : des ingrédients logiciels avariés, des technologies pas assez mûres, des contrats trop salés, des données congelées qui ont dépassé leur date limite de consommation, un assaisonnement des interfaces un peu fade, ou encore des ustensiles méthodologiques rouillés qui mettent en danger la vie de ceux qui les utilisent…
Du côté des clients, notre super-DSI sera à même de repérer ce qui cloche : un accueil des plus sommaires par un maître d’hôtel-chef de projet qui n’en fait qu’à sa tête, un menu-catalogue de services qui propose des plats sans saveur ou dont les libellés sont incompréhensibles, une addition très salée et des collaborateurs qui scrutent leur montre en attendant la fin de service, oubliant de s’enquérir des besoins de leurs clients, peut-être tentés par un apéritif-cahier des charges sympathique, une bouteille de fonctionnalités plus haut de gamme, voire un digestif-avenant pour faire passer la lourdeur technologique du plat principal.
Une telle approche serait assurément très pertinente pour adapter notre cuisine technologique au goût des consommateurs avec des produits frais, pour fidéliser nos clients internes, en séduire d’autres, qui seraient moins tentés d’aller dans le « Cloud Food d’en face ». Voilà un concurrent qui a bien assimilé les recettes pour faire goûter autre chose à nos utilisateurs ! Il ne désemplit pas, mais il faut dire qu’il est ouvert à toute heure…