Comment devenir un DSI populiste en dix leçons

Notre formation et notre métier nous ont appris à être pragmatiques dans nos choix, sérieux dans nos comportements de managers, réfléchis dans les relations avec nos clients internes et notre direction générale. C’est à se demander si nous ne nous sommes pas fourvoyés pendant des années, au vu des événements qui ont marqué la dernière élection américaine, avec le pitre en chef. Pourquoi ne pas suivre son exemple ?

Après tout, des dirigeants populistes occupent le pouvoir dans plusieurs pays, on pourrait suivre leurs méthodes pour, nous aussi, avoir encore plus de pouvoir.

Attention, toutefois : ça va certainement remuer à la DSI, et cela risque de susciter des réactions de rejet de la part de certains de vos collègues. Voire de vous pousser vers la sortie… Heureusement, d’autres verront en vous un vrai leader ! À l’image des vrais politiciens populistes, qui ne manquent pas de soutiens, malgré les dénigrements dont ils font l’objet… La moitié des électeurs américains ont bien donné leurs voix à un crétin… Qu’avons-nous à perdre ? Pas grand-chose et quitte à être viré (on le sera de toute façon un jour ou l’autre…) autant que ça soit avec panache ! Pour ceux qui veulent tenter l’expérience, voici dix conseils pour mettre un peu d’ambiance dans votre entreprise.

  1. Soyez partisan d’une révolution libérale pour réduire les coûts. Rien de telle qu’une bonne cure de libéralisme et d’austérité pour tailler dans les coûts, héritage de l’histoire. Supprimez donc les longs processus d’appel d’offres, augmentez le recours à l’offshore dans les pays où les salaires des développeurs sont les moins élevés et retenez systématiquement les prestataires les moins chers. Recrutez des collaborateurs serviles qui approuveront toutes vos décisions, même les plus farfelues et virez les autres…
  2. Prospérez sur la paupérisation des métiers. Eux aussi se débattent avec des contraintes budgétaires. Expliquez que c’est scandaleux que la DAF ou la DRH soient mieux loties que les autres. D’autant que c’est sûrement vrai…
  3. Retournez systématiquement la question aux interlocuteurs qui vous interpellent. C’est une astuce classique quand on n’a rien à dire. Par exemple : « Pourquoi n’avez-vous pas investi dans le cloud ? » vous demandera-t-on, par exemple. Au lieu de répondre, retournez la question pour pousser votre interlocuteur à détailler ses arguments. Une fois sur deux, il n’en a aucun, il a juste lu quelque part que c’est à la mode : « Pourquoi ? Je devrais ? ». Et n’oubliez pas de tweeter…
  4. Dites aux utilisateurs ce qu’ils ont envie d’entendre. Les utilisateurs expriment toujours des exigences, dont certaines sont farfelues, ruineuses ou irréalisables. Ou les trois à la fois ! Ne lésinez pas sur les promesses, elles seront vite oubliées par ceux qui y ont cru… L’Histoire nous l’a montré…
  5. Pratiquez le clientélisme de masse. Une partie du budget doit être dédiée à faire plaisir aux métiers, même si, à terme, cela augmente les coûts et la dette technique : votre successeur paiera !
  6. Exigez l’impunité zéro et privilégiez l’autoritarisme. La sécurité doit être votre credo stratégique. C’est d’ailleurs un domaine sur lequel votre DG ne pourra pas vous contrer. Commencez par éradiquer la « racaille » qui pratique le shadow IT, les incivilités des utilisateurs dans la gestion de leurs mots de passe et les projets trop risqués. Cela ne vous empêchera pas de pratiquer le clientélisme en octroyant l’impunité à ceux qui vous soutiennent. Et de construire un mur entre la DSI et les métiers.
  7. Privilégiez le style direct, dressez des constats simples avec des solutions simples. Et n’oubliez jamais de vociférer et de vous indigner en permanence contre « les nuls », les « incompétents », les « pourris », les « ignorants », les « abrutis », les « imbéciles », les « bons à rien-prêts à tout », les « corrompus » et « les incapables » qui vous entourent. Si vous n’avez pas d’idées, commencez par : « Vous trouvez ça normal que… ? » Il y aura toujours un sujet qui fâche auquel vous pourrez vous raccrocher. Et n’oubliez pas de tweeter…
  8. Discréditez vos opposants. Ils seront bien sûr nombreux et ne manqueront pas d’arguments pertinents. À vous de suggérer que leur comportement est, par exemple, téléguidé par les méchants de la direction financière, par tel ou tel fournisseur qui a comploté avec votre DG pour vous évincer, ou par tel collègue qui vous en veut de lui avoir refusé le dernier joujou technologique dont il rêvait pour épater ses amis.
  9. Diffusez des « fake news ». Si de fausses informations servent votre intérêt, pourquoi vous en priver ? Certes, il y aura toujours quelqu’un qui vérifiera, mais la masse des utilisateurs ne fera rien… à part croire et relayer vos « fake news ». Bien utile pour redorer votre blason, montrez que vous êtes un vrai leader ou dénigrez vos collègues qui aimeraient vous voir exercer vos talents dans une autre entreprise…
  10. Minimisez les affaires dans lesquelles vous êtes directement impliqué. Le dernier gros plantage applicatif ? « Ce n’est qu’un détail de l’Histoire », un complot ourdi par vos opposants, assurerez-vous d’un air convaincu et bien sûr étonné, que l’on vous ressasse ce sujet sans aucun intérêt… Et n’oubliez pas de (re)(re)tweter !