La venue à Paris de Barack Obama, début décembre 2017, a donné lieu à des louanges sur ces idées. Cela m’a fait rechercher dans mes archives son discours lors de sa cérémonie d’investiture. Comme beaucoup, à l’époque, j’avais eu tendance à m’assoupir sur mon canapé… Dans mon demi-sommeil, il m’avait toutefois semblé pourtant que le devenu ex-Président américain n’avait parlé que des systèmes d’information.
Et même d’emblée, car les premiers mots de son discours ont sonné comme celui d’un nouveau DSI, arrivant le premier jour devant le comité de direction de son nouvel employeur : « Je suis ici devant vous aujourd’hui, humble devant la tâche qui m’attend. Je vous remercie pour la confiance que vous m’avez manifestée, conscient des sacrifices de nos ancêtres. » Bon, la dernière partie de la phrase, il vaut mieux éviter de la prononcer, surtout si le DSI qui vous a précédé a été viré manu militari !
« Notre économie est très affaiblie du fait de la cupidité et de l’irresponsabilité de certains, mais aussi à cause de notre incapacité collective à prendre certaines décisions, à faire certains choix pour préserver notre pays à une ère nouvelle. » Remplacez « économie » par « système d’information », remplacez « pays » par « entreprise » et nous avons là ce qui pourrait caractériser beaucoup de systèmes d’information. Entre l’irresponsabilité de certaines directions métiers, l’incapacité collective du comité de direction et la frilosité face aux choix nécessaires pour moderniser les systèmes d’information avant qu’il ne soit trop tard, le compte y est aussi pour les DSI, Mister Obama !
« Nous sommes confrontés à des défis sérieux et nombreux qu’il ne sera pas facile de surmonter. Mais sachez que nous allons répondre à ces défis, nous allons les surmonter. » Là, Mister Obama, je suis moins d’accord. Si on nous colle encore une couche d’ERP, une réglementation style Sarbacane-Osselet, ce ne sont pas les défis qui seront surmontés, ce seront les DSI qui seront remontés ! « Le temps où nous protégions certains intérêts, où nous remettions à plus tard des décisions désagréables, oui, ce temps est révolu. » Là, c’est sûr, nous ne pourrons pas durer longtemps avec des applications trentenaires, et des codes tellement complexes qu’aucun développeur ne veut s’y risquer sous peine de vouloir finir… mais pendu avec le fil de sa souris. « A partir d’aujourd’hui, il nous faut nous reprendre, nous épousseter et recommencer à réinventer l’Amérique. » J’ai ouvert un œil… Doucement, Mister Obama ! On s’est déjà fait avoir avec des clients internes qui veulent tout et tout de suite. Il ne faut surtout pas leur mettre dans la tête des gros mots tels que « épousseter » ou « réinventer ». Parce que, au final, c’est toujours sur les DSI que cela retombe. Il reste toujours de la poussière quelque part, personne n’a encore inventé « l’aspirateur à dépoussiérer les systèmes d’information ». Suggestion aux éditeurs de logiciels qui ne savent plus quoi inventer dans leurs labos et qui claironnent dépenser 20 à 30 % de leur chiffre d’affaires en recherche et développement : le premier qui me propose cet outil, j’achète ! A condition que le sac à code soit réutilisable…
« Certains remettent en cause l’ampleur de nos ambitions et considèrent que notre système ne peut tolérer trop de grands plans. » Ah ! les mauvais coucheurs, toujours à se demander si c’est bien raisonnable de voir grand… On veut bien mener des grands plans, mais pas tous en même temps ! Entre les schémas directeurs, les plans informatiques à trois ou cinq ans et autres plans stratégiques de gouvernance d’entreprise, on n’a plus une minute à soi. Après, étonnez-vous que je m’assoupisse devant le discours du Président des états-Unis.
Avec les journées que l’on mène ! Travaillons d’abord, comme le dit Obama « à restaurer la confiance entre un peuple [les utilisateurs de systèmes d’information] et son gouvernement [la DG et la DSI] ». On pourrait d’ailleurs dire à nos chers utilisateurs que, comme aux états-Unis : « des hommes et des femmes [les informaticien(ne)s bien sûr…] ont colonisé l’Ouest [le merdier qui existait avant que la DSI ne prenne les choses en main…], ils ont subi des coups de fouet [merci les DG et les DAF…], ils ont travaillé jusqu’à ce que leurs mains saignent pour vous offrir une vie meilleure. » Là, d’accord, les équipes de la DSI n’ont pas été jusque-là, le seul sang versé étant celui des coupures des doigts avec du papier listing. Mais c’est pas faux, le coup de la vie meilleure. Merci qui ? Et comme l’affirme Barack Obama : « Nous n’avons pas failli. »
« Yes, we can do IT » me suis-je écrié ! En sortant brusquement de mon demi-sommeil…