Paradoxe de Solow; de So Low ou de Slow ?

Même les plus ignares d’entre nous ont entendu, un jour, parler du célèbre paradoxe de Solow. Il fait partie, avec la loi de Moore, des concepts les plus connus. De quoi s’agit-il ? Ce paradoxe doit son nom au prix Nobel d’économie 1987, Robert Solow, qui voyait des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité.

Cette idée a fait débat, notamment avec ceux qui, le plus souvent vendeurs d’ordinateurs et d’applications, ne voyaient pas pourquoi leur camelote n’améliorerait pas la productivité. Puisque c’était écrit dans leurs brochures commerciales…

Pourtant, les faits sont têtus : le taux de croissance de la productivité horaire du travail est ainsi passé de plus de 4 % pour les pays européens et 2,5 % pour les États-Unis, en 1971, à moins de 1 % en 2018 pour l’ensemble de ces pays. Et cette tendance correspond à une époque où on a connu une explosion des ventes de technologies.

Une profusion de technos et une productivité en berne ? Comment est-ce donc possible ? Rassurez-vous, j’ai enfin trouvé l’explication de ce paradoxe. Une étude de Qapa, qui vient de sortir, nous apprend que 71 % des français s’ennuient au travail (contre 63 % en 2019) et 92 % cachent cet ennui. On imagine que, pour atteindre cet objectif, ils font semblant de travailler sur un document Word, d’aligner des colonnes de chiffres sur Excel, d’élaborer un présentation PowerPoint qui ne servira jamais à rien ou de traiter des e-mails sans intérêt.

On ne s’étonnera donc pas que les statistiques de productivité soient en berne. Ça fait quand même des millions de personnes qui ne fichent quasiment rien de la journée ! Et on peut toujours ajouter des PC, des ERP, des applications en tous genres, rien n’y fera. J’ai lu aussi un intéressant ouvrage, dont le titre est « Le nouvel horizon de la productivité » (Editions Odile Jacob) dans lequel l’auteur, un sociologue, explique qu’il faut en finir avec le surtravail qui mine la productivité. Voyez, je ne suis pas le seul…

Si on ajoute à cela le fait que, nous révèle une étude Odoxa parue en novembre 2020, le télétravail a pour effet d’augmenter les consommations d’alcool (pour les deux-tiers des télétravailleurs), de cannabis (pour 55 %), de médicaments (52 %) et d’autres drogues (51 %), on a affaire à une armée de salariés défoncés, bourrés de médocs et alcoolisés en permanence. N’importe qui y verrait un frein à la productivité ! Les cerveaux embrumés ne font en effet pas bon ménage avec l’innovation technologique et fonctionnent au ralenti.

Je propose donc de revisiter le paradoxe de Solow en « paradoxe de So Low », pour illustrer que la productivité a été, est et sera durablement basse, ou « paradoxe de Slow », pour caractériser le fait que les salariés qui s’ennuient appliquent le principe, lui aussi bien connu : « Pas trop vite le matin, doucement l’après-midi, en attendant l’apéro-médoc-coke le soir. »

D’où ma nouvelle formulation du paradoxe : « On voit des ordinateurs et des applications partout sauf dans les statistiques de productivité, mais c’est normal, d’une part, parce que la plupart des utilisateurs ne fichent rien de la journée et beaucoup sont défoncés à l’alcool et aux substances illicites. D’autre part, parce que les activités de ceux qui sont les plus motivés, ou les moins défoncés, sont considérablement ralenties par les technologies. » Entre les bugs, les multiples changements de version qui obligent à se former en permanence, les processus alourdis (alors que, c’est bien connu, c’était mieux avant…), les interminables workflows de validation, les interfaces pourries et les usines à gaz de type ERP, on ne nous fera pas croire que les technologies nous font aller plus vite et mieux. Il serait d’ailleurs intéressant d’observer si, dans les hôpitaux qui ont subi récemment des cyberattaques et ont dû revenir au mode papier, la productivité aura vraiment diminué…

Fort de cette révélation qui révolutionne les théories économiques de ces dernières décennies, je vais donc poser ma candidature au prix Nobel d’économie. A double titre : parce que j’ai revisité le paradoxe de Solow en paradoxe de So Low ou de Slow, alors que personne n’y avait pensé jusqu’à présent. Et parce qu’en matière d’économie, je m’y connais. Mon budget a été réduit de 23 % l’an dernier et j’ai quand même réussi à garder un système d’information à peu près présentable. Si ça, ça ne vaut pas le prix Nobel…