Vous connaissez la saga américaine Very Bad Trip ? Si ce chef-d’œuvre du septième art vous a échappé, je vous rappelle le scénario du premier épisode : trois amis font la bringue à Las Vegas.
Le matin suivant, les trois compères se réveillent avec une grosse gueule de bois et ne se rappellent plus ce qui s’est passé la nuit précédente. Ils se rendent compte que l’un d’entre eux a disparu, qu’il y a un tigre dans la salle de bains et un bébé dans le placard. Tous trois essaient de se remémorer les événements de la veille et de retrouver leur ami disparu…
C’est bien sûr de la fiction. Enfin presque… Car ce genre de situation colle parfaitement à la gestion de projet. J’ai personnellement vécu la situation subie par les personnages de Very Bad Trip, avec trois de mes collaborateurs : mon directeur technique (René Build), mon patron de l’exploitation (Claude Computing) et ma directrice des études (Agathe Zeblouze).
Un matin, nous nous sommes réveillés dans une salle de réunion du troisième sous-sol, qui ne sert pratiquement jamais. Sans aucun souvenir de ce qui nous était arrivé depuis la veille ! Bon, je l’avoue, nous avions un peu beaucoup picolé pour arroser la promotion d’un consultant de chez Meyer-Sainou-Léméyeur, qui est passé de consultant junior à consultant semi-senior aux trois-quarts associé. Une belle promotion qui méritait bien quelques bouteilles… chacun ! Nous évitons bien sûr d’exhiber une telle débauche d’alcool dans nos bureaux. D’où le choix d’une salle discrète au troisième sous-sol où, avec mes trois compères, nous avons organisé la troisième mi-temps, après que notre consultant eut quitté les lieux.
Où est donc le problème ? Eh bien, le lendemain, nous avons souffert d’une sacrée gueule de bois et constaté en ouvrant l’œil que le dernier gros projet de supply chain avait été terminé et mis en production ! Hélas, personne ne se souvenait de quoi que ce soit… Nous avions laissé le projet dans un état plus ou moins avancé mais en tout cas pas suffisamment finalisé pour que les utilisateurs puissent s’approprier la solution. Bref, la routine quand on travaille dans une DSI : les pots pour arroser les promotions passent avant la finalisation des projets. Et pourtant, nous avons reçu dès le matin des appels des utilisateurs particulièrement contents du travail de la DSI, de la qualité de la documentation, de l’ergonomie de la solution… Depuis que nos numéros de portables circulent sur l’intranet, ils n’hésitent pas à nous contacter directement à la moindre contrariété. Sauf cette fois…
Mes trois compères et moi, nous sommes regardés avec, dans nos yeux encore vitreux, une lueur de perplexité.
– Des utilisateurs enthousiastes un jour après une mise en prod’ ? Je n’y crois pas, marmonna Claude Computing.
– Et des félicitations sur la qualité de la doc utilisateurs, heu… va falloir que je m’y habitue, observa Agathe Zeblouze, que j’ai empêchée de se resservir un verre pour fêter l’événement.
René Build, qui, de son côté, avait picolé davantage que nous, a ânonné, entre deux borborygmes, qu’il ne voyait pas « ce quiii AaaAvait bien puuuu se pAaAaAsser… »
– Qui a une explication rationnelle ? Ai-je articulé.
Silence dans les rangs… Personne n’en avait, bien sûr.
La vérité n’a éclaté que dans l’après-midi, après que notre DRH, inquiète de ne pas nous voir, a entamé des recherches, nous a retrouvés, toujours avachis sur les chaises. Elle a étouffé l’affaire (hé, hé, j’ai accès à ses mails perso qu’elle reçoit sur sa boîte mail professionnelle et qui sont plutôt salaces… on fait ce qu’on peut pour protéger son job…). Le médecin que l’on a consulté nous a expliqué que le mélange de certains alcools à forte dose (on en tenait une belle…) conduisait à des hallucinations collectives qui, heureusement, ne durent pas.
Il n’y avait donc pas de tigre dans la salle machine, ni de bébé abandonné dans les classeurs des comptes rendus des réunions de pilotage. Tout est bien qui finit bien : notre projet supply chain est effectivement planté, les bugs se succèdent pour la mise en prod et les utilisateurs râlent contre les délais à rallonge…
Tout est donc revenu à la normale !
Me voilà rassuré…