Igor Tasmanovitch, chercheur émérite honoraire en sciences du management des technologies au CONAR (Center Of New Advanced Research) de l’université du South West Nebraska-C, a accepté, en exclusivité, et malgré leur emploi du temps très chargé, de débattre de l’avenir des technologies.
Propos recueillis (avec difficulté) par Maître Thâo Légâ
Laberration. Igor Tasmanovitch, dans la profession très fermée des analystes, vous êtes surnommé Tuco (The Ultimate Consultant in Organization), ou Mister T. pour les intimes. Vous avez théorisé la théorie qui, en théorie, devrait théoriquement se réaliser, selon laquelle la transformation numérique ne vaut que par la numérisation de la transformation qui l’accompagne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre connectée digitale. Pensez-vous que, cette année, nous observerons l’avènement de la société trans-numérique digitale, et quels en seront les contours ?
Igor Tasmanovitch. Les contours seront nettement flous, c’est ma vision, en toute transparence…
Laberration. Je vois… Et alors ?
I.T. Si tu veux des détails, achète ma dernière étude, intitulée « Impact de la difficile complexité simplificatrice sur la sophistication de la modernisation des entreprises mal-comprenantes. » Et si tu n’as toujours pas compris, ça sera 5 000 euros par jour pour la consultation…
Laberration. Vos travaux, au CONAR, portent que les ressorts de l’innovation : où en êtes-vous ?
I. T. Nous étudions effectivement les ressorts de l’innovation, en particulier la déformation de la linéarité liée à la raideur des processus dans la mécanique de l’innovation qui amortit la technologie en suspension. Malgré notre matelas de brevets, on n’y comprend toujours rien… Cela dit, on s’en fiche, tant qu’on touche les subventions pour nos recherches et qu’elles font causer dans les médias…
Laberration. Plusieurs études mettent en exergue le fait que les DSI sont de plus en plus challengés par les métiers, qui contrôlent de plus en plus les budgets IT : est-ce une tendance que vous confirmez ?
I.T. Oui, ils vont prendre cher, tout comme nous quand on nous demande de répondre à une question à la con…
Laberration. En 2021, les technologies embarquées ont permis l’émergence de produits manufacturés plus « informés ». De nouveaux acteurs, proposant des produits et services innovants, ont fait leur apparition au sein de l’écosystème et les chaînes logistiques traditionnelles ont été bouleversées par de nouveaux canaux omni-toutcequonveux. Surtout, les clients ont exprimé le souhait de pouvoir disposer d’un niveau de personnalisation encore accru, non seulement en termes de produits et de services, mais aussi pour l’ensemble de l’expérience de consommation, de l’achat du produit à son utilisation. Ces tendances offrent aux entreprises une formidable opportunité de se repenser et de se réinventer pour rester compétitives en mettant l’accent sur l’efficacité et la performance. Les entreprises qui valorisent le mieux l’information sont davantage en capacité d’améliorer leurs opérations, d’ouvrir la voie à de nouvelles opportunités et d’accroître leur compétitivité. Que pensez-vous qu’il adviendra sur ce terrain et comment vont réagir les managers et les directions générales ?
I.T. Gloups… T’en as d’autres des questions comme ça ?
Laberration. Désolé si ce n’est pas clair. Je voulais juste demander : c’est pas un peu le foutoir dans les systèmes d’information ?
I.T. Là je comprends mieux. Ma réponse est la même : Gloups…
Laberration. Dans le cadre de vos recherches au CONAR, vous avez élaboré votre parallépipède rectangle magico-cabalistico-ésotérico-bizarro-fantastico-magique, et réalisé un énorme travail pour classer les fournisseurs selon leur degré de maturité. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre méthodologie ?
I. T. C’est simple : les plus matures sont ceux qui ont compris qu’ils doivent mettre la main au portefeuille pour figurer en bonne place dans notre classement. Ceux qui sont très riches sont très matures et ils se retrouvent en haut à droite de notre parallélépipède. On a même créé une catégorie dans laquelle les fournisseurs les « plus de chez plus » matures sont carrément en dehors de notre parallélépipède. Pour eux, c’est même le comble du luxe de ne pas se retrouver avec les autres… Mais ça leur coûte un bras, plus les deux jambes. Toutefois, nous sommes magnanimes : nous leur laissons un bras pour qu’ils puissent nous signer de gros chèques.
Laberration. Lorsque vous travailliez au cabinet Gare-à-tes-Nerfs, vous avez inventé le déconagone tout aussi magique que le parallélépipède. Comment fonctionne-t-il ?
I.T. C’est simple. Nous avons retenu quatre catégories : les losers, les branquignols, les pestiférés et les bras cassés. Bien sûr, un fournisseur peut se retrouver dans les quatre catégories en même temps. Il suffit que ses commerciaux soient mal-comprenants, que sa technologie soit ringarde et que ses consultants aient une tête plus grosse qu’un cahier des charges du secteur public. Mais tous doivent payer très cher pour ne pas être marqués du terrible sceau de l’infamie de se retrouver loser, pestiféré, branquignol ou bras cassés.
Laberration. Mais est-il préférable de travailler avec un pestiféré ou un bras cassé, un branquignol ou un loser ?
I.T. Il n’y a aucune différence : dans tous les cas vous l’avez dans le BABA (Budget À Balancer Absolument). Mais, dans chaque catégorie, nous identifions des leaders : il vaudra toujours mieux travailler avec le leader des bras cassés ou le leader des losers, c’est notre recommandation. On n’est jamais déçu : un loser restera loser quoi qu’il arrive.
Laberration. Quels conseils prodigueriez-vous à nos amis DSI qui nous lisent et qui ont eu assez de courage pour arriver à lire tout ce qui précède ?
M.H. Si votre entreprise est au bord du précipice et veut faire le saut vers le numérique pour s’en sortir, réfléchissez à deux fois ! Et si vous prenez des coups avec vos coûts, prenez vos jambes à votre cou !
Laberration. Et quelles sont vos certitudes sur l’évolution du management des systèmes d’information ?
I.T. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas demain la veille que les utilisateurs finaux deviendront des utilisateurs finauds ! Dans le domaine du Big Data, je reste persuadé, car nos recherches scientifiques l’ont démontré de façon formelle, que ce n’est pas en stockant des données semi-structurées dans un semi-remorque que ça prendra moitié moins de place. Bon, maintenant, on va pouvoir aller boire un coup… La techno ça donne vraiment soif…
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