Je l’avoue : Joseph Inebecker n’est pas mon vrai nom. La position de syndicaliste dans une grande entreprise industrielle est très difficile, on s’en doute. Le patronat ne nous a jamais porté dans son cœur et, sur ce point, rien n’a changé depuis plus d’un siècle. Si, en plus, un syndicaliste étale au grand jour ce qu’il subit, ce qu’il ressent et ce qu’il pense, c’est un syndicaliste professionnellement mort.
Je me suis pourtant lancé dans la rédaction de ces contributions parce que j’estime œuvrer pour le bien commun. Lorsque j’ai entamé ma carrière de syndicaliste, j’ai cherché, d’emblée, à me documenter sur le sujet. Quelle ne fut pas ma surprise de ne rien trouver qui corresponde à mes besoins. Oh, des livres de syndicalistes et sur le syndicalisme, il en existe beaucoup. Les premiers sont écrits, ou plus exactement signés, par les grands pontes de nos organisations syndicales représentatives. Ceux que l’on voit à la télé et que l’on entend à la radio. Leurs œuvres, autobiographiques pour l’essentiel, ressassent tant de lieux communs et de langue de bois qu’ils sont inutiles aux syndicalistes de terrain. Quant aux seconds, ce sont des ouvrages universitaires : indispensables à ceux qui sont férus d’histoire mais, eux aussi, inutiles en pratique.
J’ai souhaité faire partager mon expérience avec tous ceux qui, comme moi, sont confrontés à une situation difficile : vouloir s’investir dans la défense des travailleurs à travers un syndicat mais qui craignent de ne pas être à la hauteur. Les raisons en sont multiples : manque de temps, déficience du soutien des instances syndicales nationales, pression du quotidien… Hélas, le métier de syndicaliste ne s’apprend ni à l’école ni à l’université.
De fait, j’ai tâtonné pour apprendre les rudiments du métier, j’ai bataillé pour défendre les droits des travailleurs, j’ai quelquefois échoué mais beaucoup appris chez Moudelab & Flouze Industries, le groupe dans lequel je suis responsable des services généraux, après avoir été responsable adjoint du département logistique.
Cette entreprise, ni grande multinationale ni PME, combine tous les éléments pour apprendre vite : une direction très ferme sur les rapports sociaux, des salariés dont les métiers sont très divers, avec ses cadres, ses ouvriers et ses employés, et des problématiques représentatives de ce que doit gérer un syndicat.
Le paysage syndical, chez Moudelab, est hétérogène, avec trois organisations syndicales. La FUC (Fédération Unitaire Con-fédérale), à laquelle j’appartiens, le SOT (Syndicat des Ouvriers et Travailleurs), dont le délégué se nomme Henri Caumassiasse, du service logistique, et enfin le CON (Cadres Organisation Nationale), représenté par Justin Kalkul, l’un des cadres du service comptabilité.
Entre nous, ce n’est pas toujours facile même si, dans l’absolu nous devrions restés soudés et affronter ensemble le patron de Moudelab et ses complices les plus virulents, notamment à la direction financière, à la DRH. Les divergences entre nous ne manquent pas et je tente de les surmonter.
Je souhaite démontrer, avec cet ouvrage, que les syndicats ne sont pas des citadelles. Nous sommes de véritables contre-pouvoirs, représentants du monde du travail et de toutes ses composantes.
A travers les vingt thèmes que j’ai choisi pour illustrer notre dur métier de syndicaliste, car il s’agit bien d’un métier et non, comme beaucoup le croient, d’une sinécure, je souhaite que tous ceux qui veulent l’exercer prennent confiance afin d’allier efficacité, énergie et courage. Et deviennent, ou redeviennent, des militants syndicaux pour qui rien n’est impossible…