Rien n’est jamais à qui

Tous les ans, nous faisons le ménage dans notre portefeuille applicatif, histoire d’éliminer ce qui n’est plus utilisé, ou si peu que les charges de maintenance au kilo de code sont très largement supérieures au prix du kilo de caviar extra-fin dégusté avec une cuillère en or dans un plateau en argent lesté de diamants sur les poignées. Et, comme chaque année, nous élaborons un tableau à deux colonnes : d’un côté, la liste de toutes les applications actives du système d’information, y compris les plus petites, et, de l’autre, la liste des propriétaires de chacune des applications.

Depuis que nous refacturons les services de la DSI, tous les clients internes doivent être dûment répertoriés afin d’être ponctionnés (avec modération quand même) d’une partie de leur budget pour nourrir la DSI. En principe, aucune case ne doit rester vide (bon, d’accord, sauf pour les quelques collaborateurs qui en avaient déjà une, de case vide, avant d’être embauché…). Tous les ans, on retrouve des applications ou des développements qui n’appartiennent à personne. Mais cette année, c’est encore pire ! Notre système d’information est truffé de petites applications dont plus personne ne se souvient, ou fait semblant de ne pas se souvenir, pour qui elles ont été développées. C’est un peu de ma faute, j’ai probablement été négligent en n’obligeant pas tous mes développeurs à tracer l’ensemble les modifications et des demandes de changements.

Mais tout de même ! Mises bout à bout, toutes ces lignes de code forment un ensemble qui commence à penser lourd… Les bugs menacent de se déclencher à tout moment ! Evidemment, l’une des options consisterait à facturer directement la direction métier utilisatrice, à charge pour elle d’identifier dans son périmètre quel service est fautif d’avoir en douce demandé des modifications dans les applications. Je pourrais aussi me débarrasser de ceux qui, dans mes équipes, ont une âme tellement charitable qu’elle les pousse à prendre au pied de la lettre l’expression « l’alignement du SI avec les besoins des métiers ». Mais bon, moi aussi j’ai une âme parfois charitable… E

n attendant de m’équiper d’un bon logiciel de gestion de projet doté de toutes les options, en particulier un filtre purgeur-adoucisseur, un dissolveur de code décrépi, un shaker de paramètres et une calculette de points de fonction, je m’accommode de la situation existante. C’est comme dans certains pays où le marché noir (de lignes de code) fluidifie l’économie et évite les révolutions incontrôlables. Et question cinéma, j’ai toujours été davantage fan de « Petits arrangements entre amis » que de « Massacre à la tronçonneuse ».